Y aura-t-il des directions de la stratégie à l’horizon 2020 ?

Ce livre blanc est le fruit du travail de réflexion collective du « Quart d’Heure d’Avance » Stratégie, un cercle lancé par Kea à l’automne 2016 et qui a rassemblé une quinzaine de praticiens de l’entreprise, occupant ou ayant occupé des fonctions de direction de la stratégie dans différents secteurs.

Inspiré par les dernières tendances et en s’appuyant sur des cas concrets, le cercle « Quart d’Heure d’Avance » s’est donné comme mission, pendant près d’un an, d’imaginer les évolutions de la fonction de Stratège dont l’exercice du métier est en pleine mutation et de répondre à la question « y aura-t-il des directions de la stratégie à horizon 2025 » ?

Inspiré par les dernières tendances et en s’appuyant sur des cas concrets, le cercle « Quart d’Heure d’Avance » s’est donné comme mission, pendant près d’un an, d’imaginer les évolutions de la fonction de Stratège dont l’exercice du métier est en pleine mutation et de répondre à la question « y aura-t-il des directions de la stratégie à horizon 2025 » ?

Pour aller plus loin sur le sujet, nous vous suggérons la lecture d’un article des Echos qui s’en fait l’écho.

Au sommaire :

#1 : Halte à la myopie stratégique : du bon usage de la prospective

  • Définir sa ligne d’horizon
  • Assumer le « Choix du Roi ou de la Reine »
  • Adopter une posture prospective
  • Modeler son futur avant de le subir

#2 : L’entreprise plateforme, la nouvelle opportunité du stratège

  • Identifier et écouter ses écosystèmes
  • Se définir une stratégie d’action
  • Devenir une entreprise plateforme

#3 : Le stratège, le financier et l’opérationnel : une valse à trois temps

  • La stratégie comme chef d’orchestre
  • Le plan et le modèle, deux partitions complémentaires
  • Le portefeuille des projets stratégiques toujours au cœur du métier

#4 : Le métier de stratège à l’épreuve de la mondialisation

  • Qu’est-ce que la « meilleure » stratégie ? Désirabilité, faisabilité et angles morts
  • La convergence stratégique soumise au «stress-test » des écarts culturels
  • La direction des ressources humaines, un allié incontournable à l’international

#5 : Incarnations et réincarnations de la stratégie

  • Jouer des archétypes stratégiques
  • Expérimenter de nouvelles formes du métier
  • Stratégie et transformation : faux débat, vrais amis

Conclusion : Les clés de la réinvention

Les membres du QHA Stratégie ayant contribué à cette publication :

Frédéric AUGIER, Directeur du Digital, NEXITY Kamil BEFFA, Executive Vice President Controlling, Strategy and Clusters, Europe, NEXANS Frédéric CHEVALIER, Directeur Général des Opérations, Europe, Moyen-Orient et Afrique, LAGARDÈRE TRAVEL RETAIL Rodolphe DURAND, Professeur de Stratégie et Politique d’Entreprise, HEC Paris Pierre-Etienne FRANC, Vice President Advanced Business & Technologies, AIR LIQUIDE Etienne HIMPENS, Directeur de la Stratégie, POCHET Caroline JEANTEUR, Directrice de l’Innovation Stratégique, UBISOFT Edouard MOULLE, Directeur Business Development de la Branche Services-Courrier-Colis, GROUPE LA POSTE Agnès PANNIER-RUNACHER, Directrice Générale Déléguée, COMPAGNIE DES ALPES Franck PIVERT, Directeur Stratégie et Direct B2C et Solutions Digitales, ALLIANZ WORLDWIDE PARTNERS Alain RESPLANDY-BERNARD, Directeur Général Délégué, PMU Muriel ROQUEJEOFFRE, Présidente de la FINANCIÈRE MTE, Group Chief Financial Officer de TRIGO jusqu’en février 2017

Innovating @innovation est le fil conducteur du premier TEDxDantonSt, dont Kea & Partners et Tilt ideas sont les heureux sponsors. Et pour l’occasion, l’AMPLI – espace de cocréation du Groupe Kea – s’est transformé en scène de théâtre…

Au fil du temps, les TED Talks sont devenus synonymes d’innovation et d’inspiration, de multidisciplinarité et de partage. Cette matinée a été pensée dans cet esprit avec 8 personnalités, 8 histoires et autant d’inspirations : enseignants chercheurs, lab leaders, dirigeants d’incubateurs, psys… pour parler création, leadership, incubation dans la ville, hacking & technologies, frugalité, psychologie et bien plus encore.

Avec une ambition affichée : renouveler le discours sur l’innovation, au-delà des recettes toutes faites et imaginer de nouvelles voies, au-delà des sentiers battus voire rebattus ! Chacun ayant des idées, des regards qui valent la peine d’être partagés. Du grain à moudre, qui germera – si ce n’est pas là, tout de suite, maintenant – demain ou après-demain en venant percuter d’autres idées.

La « curation » d’un TED passe par le choix des speakers et des talks. Découvrez la genèse et le fil rouge de cette matinée par Christine Durroux, curator.

Are you ready for ideas? Retrouvez les talks des 8 speakers :

Le leadership de l’innovation

Caroline Jeanteur Comment innover dans une organisation qui est elle-même un leader mondial des industries créatives et une pépite française ? Quel positionnement, quel style, quelles approches, quel parcours personnel, quel leadership au fond ? Autant de questions que Caroline Jeanteur se propose d’explorer.

Le pouvoir créateur de la parole

Antoine Mahy Quel est le véritable pouvoir de la parole ? Les mots ont-ils à eux seuls le pouvoir de changer le monde ? C’est ce dont nous parle Antoine Mahy, apprenti écrivain, en nous laissant percevoir l’infini pouvoir des mots. En lui-même, ce talk est en quelque sorte une mise en abyme de cette matinée, qui constitue déjà en soi un temps d’innovation !

Du fonctionnel à l’expérientiel

Théo Lainé Quel est le point commun entre un chauffeur de VTC qui propose une bouteille d’eau à ses clients et un supermarché qui devient un lieu de vie ? L’expérience utilisateur ! L’expérientiel façonne notre société et transfigure notre manière de concevoir de nouveaux produits et services. Théo Lainé nous explique comment en faire une force pour transformer nos entreprises…

La création dans l’organisation

Thomas Paris Slasher avant l’heure, Thomas Paris, cherche depuis longtemps à comprendre les mécanismes de la création. Il nous parle ici de la figure du créateur au travers de l’exemple de Bernard Loiseau, chef étoilé et iconique du Relais du même nom en Côte d’Or. Mais après la disparition de celui-ci, comment continuer d’innover ?

Innover ou se donner le droit de vivre

Florence Lautrédou

La «curation» passe par le choix des «pièces», celle-ci est certainement la plus intimiste et la plus psychologique aussi. Innover n’est pas une activité intellectuelle issue de nos capacités néo-corticales de créativité et d’imagination, c‘est une pulsion. La pulsion d’innovation est viscérale, irrépressible et souvent indispensable à la survie. C’est une pulsion de vie ou de mort. Est que qu’innover n’est au fond pas simplement une question de survie ?

Stimuler l’imagination : la (perma)culture de l’innovation

Delphine Desgurse Quel est le lien entre permaculture et innovation ? Delphine Desgurse, corporate hacker telle qu’elle se définit, compare le métier de Directeur de l’Innovation à celui d’un agriculteur en zone agricole intensive. En filant cette métaphore, elle nous livre les clés de l’innovation au sein des organisations : se nourrir des différences et donner les moyens nécessaires aux hommes du terrain pour s’entraider et transformer l’entreprise.

Intelligences multiculturelles

Jean-Christophe Simon Comment un sofa peut-il donner lieu à l’échange dans un contexte de choc multiculturel ? A travers l’exemple vécu de la longue collaboration cross culturelle des Français et des Japonais dans les labs allemands de la joint-venture entre Essilor et Nikon, Jean-Christophe Simon nous dévoile les ingrédients pour naviguer et innover dans un monde complexe.

Pourquoi les villes sont les meilleurs endroits où vivre

Albane Godard Comment minimiser notre impact sur la planète sans entraver notre bien-être ? Pour Albane Godard, la solution se trouve dans la densité et la réinvention urbaine. Cette révélation, elle l’a eue au cours d’un voyage d’un an et demi en Asie. Cette épopée entre les bouillonnantes mégalopoles asiatiques et les désertiques steppes mongoles, constitue une source intarissable d’inspiration pour elle.

Envie d’en savoir plus sur le TEDxDantonStr ou de contacter les organisateurs ? www.tedxdantonst.com

TED pour Technology, Entertainment & Design. Ces conférences ont été créées en 1984 en Californie par Richard Saul Wurman qui voyait l’avenir converger vers ces 3 domaines. Le but ? Diffuser des idées qui le méritent (« ideas worth spreading »), auprès du plus large public et « changer le monde » au travers de courtes conférences filmées.

Aéronautique : la maturité des fournisseurs progresse mais reste insuffisante

Montée en cadences, impact de la concurrence mondiale, transformation numérique… autant de facteurs qui bousculent les acteurs de l’aéronautique européen. Dans ce contexte et sous le patronage du GIFAS et du BDLI, Kea & Partners a mené avec h&z, son partenaire allemand, une étude sur la compétitivité des fournisseurs aéronautiques Français et Allemands.

Après les éditions 2012 et 2013, ils ont analysé le niveau de maturité de 140 acteurs représentatifs de l’industrie aéronautique française et allemande sur la base de 29 critères de compétitivité relatifs à l’accès aux marchés et aux clients, à l’offre de produits et de services, aux processus supports et aux compétences et – nouveauté 2018 – à la transformation numérique. Ils ont ensuite comparé ce niveau de maturité aux attentes des donneurs d’ordres.

Parmi les grands enseignements de cette édition :

  • En 2018, les fournisseurs répondent en moyenne à 65% aux attentes des donneurs d’ordres (OEM et Tier-1) et leur niveau de maturité est en progression
  • Le niveau de maturité des fournisseurs français et allemands est comparable ; les Allemands étant néanmoins légèrement plus matures sur les sujets de développement international, les Français sur la diversification de leur portefeuille clients
  • 10% des investissements annuels sont consacrés au digital
  • 50% des entreprises ont actuellement un niveau de maturité qui met à risque leur compétitivité, dans le cadre des remises en concurrence sur les programmes existants, et, à plus long terme sur les nouveaux programmes

L’étymologie du mot « management » est riche d’indications puisqu’il est un lointain descendant de « main », symbole de l’autorité et de la puissance (la main de justice, la main de fer dans un gant de velours…). Dans la même famille, on trouve « manier » (mener à son gré), « manœuvrer » (agir par une tactique habile), « manège » (comportement habile mais trompeur pour arriver à ses fins)… Tenants de la sociodynamique et des travaux de Jean-Christian Fauvet, nous définissons le manager comme celle ou celui qui (ré)concilie deux logiques antagonistes : les impératifs de l’Institution (tels que la survie, le développement, les exigences de rentabilité…) et les aspirations du corps social (sécurité, rétribution, reconnaissance, épanouissement…).

Ainsi, la compréhension du rôle qu’a le management dans l’entreprise pose la question de la place des hommes dans la performance de l’entreprise. Nous avons évidemment la conviction que cette place est essentielle ; que chacun, du grand patron au plus modeste salarié, contribue par son implication personnelle et par sa capacité d’initiative à la performance globale ; que beaucoup se joue sur le terrain, dans la relation quotidienne avec le client ou au contact du produit ; bref, que « miser » sur l’homme est une opération rentable.

Le nécessaire et légitime investissement engagé dans les outils, les systèmes, les méthodes et les processus ne doit pas occulter celui consenti sur les Hommes, leurs compétences et leur mobilisation. En effet, si les projets qui se construisent sans la prise en compte du facteur humain ont l’avantage de pouvoir faire ressentir leurs effets économiques rapidement, nombre d’études (ex. Human Capital Index) évaluent d’une manière objective la « qualité » du management par les hommes et mettent en évidence une corrélation positive entre cette qualité et la performance économique.

Ceux et celles qui en sont les plus convaincus aspirent donc à un management fort pour conduire un projet de changement, expliquer aux équipes la transformation engagée et le « pourquoi / comment » de la stratégie qui en découle, gérer les relations sociales, accompagner les équipes et chacun de leur membre…

Ainsi, le manager doit être :

  • Porteur de sens : il s’approprie la vision, comprend son environnement, assimile la stratégie, met en perspective les différentes initiatives, explicite les implications locales, porte le sens et le fait partager à ses équipes
  • Acteur de la performance : il assume des objectifs ambitieux, organise les tâches, actionne les bons leviers, prend les décisions en temps utile, détecte et corrige les dysfonctionnements, gère efficacement ses priorités, sait alerter et demander du soutien
  • Noueur de liens : il développe son réseau de partenaires internes / externes, construit avec eux une coopération mutuellement profitable, établit des relations constructives hors hiérarchie, est en prise sur le dehors
  • Animateur d’équipe : il crée une dynamique collective de performance, mobilise les énergies, impulse le changement, porte les projets, a un comportement exemplaire, développe le progrès continu, valorise les succès, gère les tensions et résout les conflits
  • Communicateur : il est un « vecteur actif » de la communication institutionnelle, assure un tri dans la masse d’information, relaie les messages en les adaptant à son public, s’assure de leur compréhension, est à l’écoute du terrain et remonte les informations utiles
  • Eleveur de talents : il fait grandir ses collaborateurs, développe les talents, donne confiance, crée du vide, met en déséquilibre dynamique, détecte les points d’amélioration, aide chacun à progresser et à trouver son parcours dans l’entreprise
  • Expert Métier : quand il doit maîtriser les connaissances et les savoir-faire techniques de son domaine, les transmettre à ses collaborateurs pour lesquels il est un recours et un appui, faire évoluer les pratiques, d’innover…

Bref, le manager c’est la PANACEE, c’est-à-dire celui que l’on croit capable de guérir tous les maux, de répondre à tous les besoins, de résoudre quasi miraculeusement tous les problèmes (cf. Trésor de la Langue Française). S’il n’existe pas, les démarches managériales permettent d’y tendre.

Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier…

Envie d’approfondir ces sujets ?

Le temps est sans doute l’un des premiers terrains de jeu des dirigeants comme des hommes politiques. Pourquoi et quand est-il urgent d’agir ? Quand est-il urgent d’attendre ? Comment tirer parti des avantages du temps court et du temps long ? Comment trouver un équilibre dans cette oscillation permanente ?

Dans le monde des affaires, cette oscillation est utile à la transformation des organisations. Elle est même nécessaire, dans un monde VUCA, devenu tout à la fois volatile, incertain, complexe et ambigu. En cela, les entreprises, dans la prise en compte du temps dans leurs prises de décision et leurs plans de transformation, sont indéniablement une source d’inspiration pour la sphère politique. Et notamment à l’aune d’un Gouvernement qui voit dans ses rangs un grand nombre d’acteurs issus du monde civil et de l’entreprise…

Combiner temps court et temps long pour susciter de l’engagement

Il n’y a pas un temps mais des temps de transformation, qui ne se managent pas de la même façon.

Le temps court fait souvent l’objet d’un procès d’intention : l’action à court-terme est souvent qualifiée d’opportuniste, considérée comme un sucre rapide plus profitable au dirigeant ou à l’homme politique qu’au bien commun. Il est pourtant nécessaire quand il s’agit de gérer une crise ou de faire face à l’imprévu. Il est nécessaire aussi pour insuffler de l’énergie et initier le mouvement d’une transformation d’ampleur. Le temps court est celui des transformations visibles, incarnées, mobilisatrices, pour traiter de l’événement, du communicable, des programmes d’action.

Le temps long est difficile à entendre dans une époque marquée par le désir d’immédiateté. C’est pourtant lui qui permet d’installer les conditions favorables au changement. C’est lui qui permet de fédérer une communauté d’individus, que ce soit des élus, des actionnaires, des salariés, des fournisseurs, des clients… autour d’un avenir commun et de donner sens à l’action. Le temps long est celui des transformations silencieuses pour changer les structures, modifier les modèles de gouvernance, développer de nouveaux modes de management, mettre en place les conditions de l’autonomie des équipes, etc.

La performance d’une entreprise ne résulte d’aucun d’eux pris séparément, mais de leur habile combinaison. Cela suppose d’adopter une stratégie d’empreinte légère : plutôt que de fixer un idéal difficile à atteindre, mettre l’organisation en mouvement pas à pas, de manière modulable, avec les bonnes ressources au bon moment.

Complexité et facteur humain : au-delà du temps, les 2 autres piliers de la transformation

Le temps est une dimension clé de toute transformation opérée de manière responsable, qu’elle concerne une entreprise ou une institution publique. Ce n’est pas la seule, car elle est à traiter selon la complexité de l’activité et en lien avec les hommes et les femmes qui la portent.

Plutôt que redouter la complexité, Il s’agit de l’accepter et de composer avec elle. C’est, par exemple, s’attacher à concilier les bénéfices des nouvelles technologies (en termes de rentabilité, de performance) et les enjeux éthiques sous-tendus. Il est donc nécessaire de prendre le temps d’installer le dialogue avec les parties prenantes (élus, actionnaires, salariés, fournisseurs, consommateurs, citoyens) afin prendre en compte leurs attentes et faire s’exprimer les incertitudes et les risques associés à tel ou tel projet technologique.

Transformer en prenant en compte les hommes et les femmes qui composent l’organisation, c’est considérer les individus non plus seulement comme des ressources mais comme des agents du changement, au cœur de la création de valeur et qu’il s’agit d’engager dans l’action. C’est donner du sens à leur action en mettant en perspective l’activité économique de l’entreprise dans sa vocation sociale. C’est leur donner les moyens d’inventer les modes de fonctionnement qui servent cette activité et cette vocation.

En résumé, transformer les organisations en prenant en compte leur diversité, les personnes qui les composent et la dimension du temps, c’est apporter une réponse complexe et responsable à un monde qui est lui-même de plus en plus complexe, interconnecté et changeant.

De ces trois composantes, se dégage un nouveau paradigme pour l’entreprise. Par une transformation responsable, elle affirme son rôle hors les murs : prenant de plus en plus part à la construction de la Cité. Tout en recherchant ses intérêts particuliers, elle les intègre dans un projet plus vaste. L’enjeu collectif des prochaines années – pour les entreprises, les citoyens, les gouvernements – sera sûrement de s’entendre sur ce que nous appelons « le bien commun ».

Tribune publiée par LesEchos.fr le 5 février 2018

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement en phase de consultation, propose plusieurs axes d’évolutions. Parmi celles-ci, se pose la question de la responsabilité de l’entreprise et de la remise en cause de l’article 1833 du code civil indiquant que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » : l’intérêt général pourrait désormais s’inscrire dans le Code Civil.

Cette hypothèse illustre parfaitement qu’en matière de responsabilité, « l’eau monte » très vite, peut être encore plus vite que sur tout autre sujet : les actions qui hier relevaient de l’intérêt général ont aujourd’hui une incidence sur la pérennité de l’entreprise et relèveront demain d’une simple mise en conformité.

En effet, en remettant en cause l’article 1833 du code civil, nous passerons en quelques mois, d’une logique où le bien commun comme élément central du statut de l’entreprise n’était l’apanage que de quelques organisations emmenées par leur leader visionnaire à un état de fait où la préservation, voire le développement, du bien commun deviendra la norme (que la loi soit coercitive ou incitative) pour toutes les entreprises. Voilà un phénomène marquant car touchant au fondement même de l’entreprise et entrainant sa nécessaire transformation en profondeur. Les plus précurseurs auront alors plus que jamais un temps d’avance.

Pour s’adapter à ce nouveau statut, quatre changements systémiques à engager :

  • Le premier sera de mettre les politiques RSE au cœur de l’activité dans une logique de transformation des modèles productifs. Les entreprises qui pensaient jusqu’alors la RSE comme la minimisation des impacts négatifs sur leur environnement (et la percevaient comme un enjeu à intégrer « en plus » de leur activité, dans une vision coercitive et castratrice) vont désormais devoir la faire évoluer vers la maximisation des impacts positifs sur l’ensemble des parties prenantes. C’est donc l’exercice stratégique et son exécution opérationnelle qui vont être modifiés en profondeur.
  • Le second changement consistera à renforcer la prise en compte du temps long dans les processus de décision stratégiques et opérationnels, seule possibilité pour mesurer les impacts de l’action et garantir la réelle préservation, voire l’accroissement du bien commun. Cette prise en compte implique une évolution forte des compétences afin de pouvoir comprendre des phénomènes nouveaux pour l’entreprise, à mesurer avec des indicateurs propres.
  • Le troisième changement visera à s’ouvrir aux parties prenantes (internes et externes), tant dans le dialogue pour comprendre les enjeux, mesurer les impacts potentiels, que dans l’action pour co-construire les solutions à même de répondre aux enjeux.
  • Enfin, et ce n’est sans doute pas le plus facile, ce changement de paradigme (car c’est cela dont il s’agit) ne pourra se faire sans un profond renouvellement des modes de management et de leadership. Un leadership orienté par la place que l’entreprise doit avoir dans la Cité comme réel acteur de la société (et non comme seul acteur économique) ; un leadership qui remet au juste niveau finalité et moyens ; un management qui encourage la diversité de points de vue et de sensibilités nécessaire au débat et au discernement, qui favorise l’autonomie (de pensée et d’action) afin de prendre en compte la complexité ; un management qui met le développement de chacun au profit du projet collectif auquel chacun adhère et pour lequel il peut s’engager.

Ce mouvement, certaines entreprises précurseurs l’ont engagé en faisant évoluer leur mission pour qu’elle dépasse très largement la production de biens ou services et vise à contribuer au développement humain, en initiant la transformation profonde de leur modèle de production et en abordant avec leurs parties prenantes un dialogue intense à même d’identifier les conditions d’une contribution positive. Toutes le disent : ces évolutions sont complexes et profondes et nécessitent bien souvent d’innover, d’expérimenter et, à ce titre, l’anticipation constitue leur meilleure chance pour l’avenir.

Tribune parue dans Forbes, le 8 février 2018

Industrie(s) : les opérations ont de l’avenir !

Après la vapeur, l’électricité, l’électronique, nous voilà engagés dans la 4ème révolution industrielle, celle de l’intelligence numérique et de la fusion des technologies.

De l’enquête réalisée en 2016 par Kea auprès de 200 dirigeants d’entreprise, il ressort que toutes les fonctions n’anticipent pas cette transformation de leur activité. Par exemple, seulement 3% des fonctions de la direction industrielle, de la supply chain ou encore des achats s’y préparent, contre 82% des directions des systèmes d’information ou 68% des équipes commerciales. Comment l’expliquer ? Comment faire face à cette transformation inéluctable et par où commencer ?

Face à ces questions, Stéphanie Nadjarian et Mathieu Daude-Lagrave ont impulsé le cercle de réflexion « Quart d’Heure d’Avance Opérations du Futur », qui a réuni pendant plus d’un an une vingtaine de participants, pour imaginer les évolutions des opérations au sens large, en couvrant les domaines du développement, du manufacturing, des achats et de la supply chain.

De la publication issue des travaux du cercle se dégage une conviction : les profonds changements auxquels l’industrie fait face sont autant de sources d’opportunités et d’optimisme pour les dirigeants. Les opérations ont de l’avenir !

Soirée de lancement de la publication en images ICI

Le cercle s’est d’abord attaché à faire l’état des lieux des technologies émergentes, pour voir clair dans l’ébullition actuelle et se donner les moyens de faire le tri. La réflexion s’est ensuite engagée sur les enjeux et opportunités stratégiques sous-jacents à la révolution industrielle, puis sur la place de l’Homme et l’avenir de l’emploi. Il s’est conclu sur les différentes stratégies possibles et les modes d’action associés qu’il s’agit de choisir pour réussir la transformation.

Au Sommaire :

Préface de Jean STAUNE

Introduction : INDUSTRIELS, VOS OPÉRATIONS ONT DE L’AVENIR !

VOUS N’AVEZ PAS UNE MAIS PLUSIEURS USINES DU FUTUR

  • Deux convictions sur les nouvelles technologies
  • Trois règles d’or pour faire le tri et identifier les bonnes technologies

Chapitre 2 : LES OPÉRATIONS DU FUTUR SONT UN CHAMP D’OPPORTUNITÉS STRATÉGIQUES

  • Quatre tendances industrielles à suivre
  • Trois règles d’or pour faire des opérations du futur un sujet stratégique

Chapitre 3 : L’HOMME EST AU CENTRE DES TRANSFORMATIONS INDUSTRIELLES

  • Des perspectives d’emploi incertaines
  • Quatre convictions sur l’avenir de l’emploi et du management dans votre industrie
  • Trois règles d’or pour placer l’homme au centre de votre stratégie industrielle

Chapitre 4 :

CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

  • Faites-en le sujet du Comité Exécutif
  • Choisissez votre stratégie de transformation
  • Repensez les fonctions centrales de votre direction des opérations
  • Instaurez une culture de la transformation
  • En synthèse : OPERATIONS 4FUTURE

Merci à tous les membres du QHA Opérations du futur ayant contribué à cette publication :

François Amzulesco, Directeur de l’Innovation, TERREAL, jusque fin 2016 Jacques Barnet, Directeur des Opérations, CEMOI Delphine Berilloux, DRH de la division Trains & Intégration, Chef de projet RH Usine du Futur, SAFRAN LANDING SYSTEMS Denis Bourbonneux, Directeur Industriel, GROUPE LEMOINE Alain Châtaignier, ex Directeur des Ressources Humaines, NESTLE France Gilles Drouard, Directeur Général, Business Unit Marché Général, NEXANS Nicolas Hannebelle, Directeur du Contrôle de Gestion, KRYS GROUP Pierre-Yves Le Corre, Ex. Directeur Technique, SWISS RE, associé-fondateur d’une société de courtage d’assurance François Letissier, Directeur de la R&D, BONDUELLE, jusque fin 2016 Benoit Martin-Laprade, Directeur du Développement Industriel, SAFRAN LANDING SYSTEMS Aymeric Mautin, Directeur Financier, CHANEL MANUFACTURES DE MODE, jusqu’à mi 2017 Stéphanie Nowak, ex Directrice Supply Chain, FAST RETAILING Frédéric Pouille, Directeur Supply Isolation et Gypsum, SAINT-GOBAIN

En 2018, trois alliances majeures sur les achats ont été formées : Casino avec Auchan, Système U avec Carrefour et Fnac Darty avec Media Markt Saturn.

Kea & Partners avait donc convié le 27 mars 2018 trois grands précurseurs des alliances à nourrir la réflexion sur ce sujet ô combien d’actualité :

  1. Florent Courau, directeur général France de JD.com, premier retailer on/off line en Chine, précurseur d’alliances numériques dans le luxe
  2. Hubert Garaud, Président de Terrena, principale coopérative polyvalente de France, précurseur d’alliances et de marques collectives entre coopératives
  3. Serge Papin, PDG de Système U, précurseur d’alliances nationales et locales à l’achat comme à la vente.

Hervé Baculard, Senior Partner chez Kea & Partners, a partagé les raisons de cette nouvelle vague d’alliances :

  1. Les alliances durent en moyenne moins de 10 ans, voire 4 à 5 ans pour les alliances à l’achat : il est normal d’avoir des effets périodiques d’accélération.
  2. Le temps de l’argent pas cher – donc des acquisitions – touche à sa fin et les alliances sont une alternative moins coûteuse en termes de capex.
  3. Les entreprises sont en recherche de nouveaux leviers de massification notamment en matière numérique ; en effet, la fragmentation des marchés générée par la multiplication des acteurs et l’irruption des plateformes Internet met à mal les business modèles.

ALLIANCE, DÉFINITION :

Une coopération entre des entreprises autour d’un projet lequel elles mettent en commun des ressources et des compétences

Six typologies d’alliances selon Kea & Partners :

Les alliances, facteurs de transformation

Si nouer une alliance implique de trouver un partenaire externe, c’est également l’opportunité d’accélérer des transformations internes pour mettre en place une réorganisation ou bien une vision nouvelle.

Les alliances ont un effet d’entrainement et de mise en mouvement de l’entreprise. Système U n’aurait jamais pu mener à bien son « alliance interne entre régions » si elle n’avait pas engagé une alliance externe. Cette pression externe nous a fait gagner beaucoup de temps.

Serge Papin

Les alliances, une question de vision, un acte « offensif »

Les alliances doivent être l’occasion de porter une nouvelle vision, de rompre avec les idées communément admises.

Nous avons imaginé chez Terrena un concept disruptif : celui d’agriculteur écologiquement intensif. Le fait de défendre cet oxymore nous a amenés à nous dynamiser en interne et nous à rapprocher des parties prenantes et ONG, et à partir de là de nouer des alliances.

Hubert Garaud

Les alliances digitales, nouveau sujet à défricher

Les alliances digitales permettent de développer de nouvelles compétences pour des acteurs dont le digital n’est pas le savoir-faire natif ou de mettre en synergies des actifs clients, par effet multiplicateur. Dans la mesure où les partenaires pour ces alliances digitales sont mondiaux et peu nombreux (Amazon, Alibaba, Tencent, JD.com, Rakuten, Google), il convient de choisir un allié avec rapidité.

Nous disposons à ce jour de 300 millions de clients en Chine. Pas moins d’un quart de nos nouveaux clients proviennent d’un partenariat conclu avec le réseau social de Tencent, qui nous permet d’atteindre le milliard d’abonnés de WeChat. Ce rapprochement nous a notamment aidés à beaucoup mieux intégrer l’expérience utilisateur en combinant nos données commerciales aux données sociales de WeChat.

Florent Courau

Entre écueils et limites : l’importance de la méthode

Pour autant, toutes les alliances ne s’apparentent pas à des success-stories : 50% d’entre elles sont considérées comme des échecs. Entre dissensions culturelles, difficultés d’alignement des acteurs, obstacles de toutes sortes, les risques de dégradation s’avèrent multiples :

D’où l’importance d’une méthode adéquate, proposé

Les différences culturelles constituent souvent un vrai point d’achoppement, surtout en matière de méthode. Il faut déminer le terrain en permanence. L’une des meilleures garanties de pérennité est à cet égard de disposer d’indicateurs de suivi fiables.

Serge Papin

Il faut s’apprivoiser mutuellement en recherchant des racines, des points communs, des proximités voire des intimités… C’est ce que nous avons fait avec Walmart.

Florent Courau

Il faut absolument prévoir des points d’étape. Certains accords qui fonctionnaient très bien peuvent en effet se révéler moins adaptés en fonction du contexte client ou concurrentiel. D’où l’impérieuse nécessité de s’interroger régulièrement sur leur évolution.

Hubert Garaud

Ce que les alliances apportent

Les alliances stratégiques font plus gagner de territoires que de temps et ouvrent le champ des possibles.

Florent Courau

Les alliances réussies permettent de coconstruire et d’aller chercher des innovations de rupture.

Hubert Garaud

Les alliances permettent de mieux définir son propre terrain de jeu et de s’ouvrir sur le reste, en laissant de côté les conservatismes.

Serge Papin

En conclusion

Face à la fragmentation et à la globalisation des marchés, les alliances font partie de l’horizon stratégique essentiel :

  • Les « fronts » stratégiques se multiplient
  • On ne peut pas tout maîtriser en matière de compétences
  • Les économies d’échelle se situent sur de nouveaux sujets : data, audience numérique…
  • Le nombre d’acteurs de « premier choix » est limité

La rigueur du processus est une condition nécessaire pour réussir :

  • Chaque étape répond à des facteurs clés de succès spécifiques : Pourquoi ? / Prise de décision et cohésion interne / Mandat de négociation / Anticipation opérationnelle / Gouvernance de l’alliance / Prévision de la sortie

À terme, il faut envisager un portefeuille d’alliances multilatérales, à durée de vie pérennes pour certaines, à durée déterminée pour d’autres.

Une fois l’alliance signée, il faut être en alerte, en identifiant en permanence les signaux et les causes de déséquilibre potentiel (stratégique, managérial, financier…).

La santé représente l’un des enjeux majeurs de notre siècle ; elle est d’ailleurs inscrite parmi les 17 objectifs de développement durable, portés par l’ONU et soutenus par 193 pays : « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ».

Le secteur est soumis à de fortes tensions. Face à un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu, les acteurs de la santé adaptent leurs business model : fusions-acquisitions entre mutuelles, développement de clusters d’innovation par les laboratoires pharmaceutiques, naissance d’écosystèmes et de partenariats encouragés par les acteurs de la e-santé… Ce sont autant de réponses concrètes pour remplir pleinement leur mission : apporter la santé au plus grand nombre.

Apporter la santé au plus grand nombre : une mission et 5 défis à relever

#1. Remettre le patient au cœur de la stratégie

Le comportement et le rôle des patients évoluent : ils sont plus informés et connectés, interagissent de plus en plus avec les différentes parties prenantes du secteur et cherchent à s’inscrire dans des partenariats et relations de long-terme avec leurs interlocuteurs.

Demain, leurs besoins et attentes seront au cœur de la stratégie des acteurs de la santé : implications de patients dans le développement de produits et services, offres pensées en fonction du parcours patient, communication plus pertinente et ciblée, etc. Ainsi la santé passera d’un modèle product centric à un modèle patient centric, à l’image de la grande consommation, devenue client centric.

#2. Prendre le virage de la e-santé

L’émergence de la e-santé, à travers le développement de nouveaux usages patients, de devices connectés, de services, représente une source formidable d’opportunités et de nouveaux business. Ainsi, en France, le marché de la e-santé est estimé, en potentiel, à environ 3Md€. Cela implique toutefois d’être en capacité de saisir et d’exploiter au mieux ces opportunités qu’apporte le digital, en faisant notamment preuve d’innovation dans les outils, les façons de faire (ouverture, agilité…), les modes d’organisation et de fonctionnement (en particulier à travers la patient centricity).

#3. Relever le défi de l’accès aux soins, pour tous, partout

La demande de biens et de services de santé est en hausse et continuera à croître dans les prochaines années. Cela représente autant de défis pour l’industrie de la santé : Quelle stratégie mettre en place pour s’ouvrir à de nouveaux marchés ? Comment adapter ses moyens de production pour répondre à la demande ? Comment concevoir ses réseaux de distribution pour développer l’accès aux soins ?

Dans ce domaine, deux principaux berceaux de croissance émergent :

  • En Asie, avec la Chine et l’Inde : la demande explose en Inde, avec une croissance moyenne annuelle prévue de 22% du marché des médicaments, pour atteindre 55Md€ en 2020 ; en Chine, les déserts médicaux demeurent un enjeu majeur ;
  • En Afrique : la démographie restera très dynamique au cours des prochaines années ; avec le Nigeria qui deviendra, en 2050, le 3ème pays le plus peuplé au monde, devançant ainsi les Etats-Unis. Dès lors comment répondre de la façon la plus efficiente possible aux enjeux de santé des populations du continent ?

#4. S’engager pour plus de compliance et de sécurité

La santé est une industrie particulièrement soumise à critique en matière d’éthique. Qui plus est, le renforcement des liens avec les patients, l’émergence de la e-santé manipulant la data et l’ouverture à de nouveaux marchés soulèvent de nouvelles questions de compliance et de sécurité. Ainsi la réglementation et la « soft law » (référentiels, labels…) continuent à se renforcer. La conformité et la gestion des risques vont donc demeurer des composantes importantes, auxquelles l’industrie de la santé doit veiller, sans pour autant perdre en compétitivité. Au-delà du respect de la réglementation, des attentes grandissantes autour des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux s’affirment. Répondre à ces attentes c’est assurer la pérennité de l’entreprise, celle du secteur, voire contribuer au bien commun.

#5. Développer la culture de la responsabilisation

Les mutations du secteur créent des tensions culturelles au sein des entreprises : de plus en plus internationalisées, elles doivent jongler entre stratégie globale et spécificités locales ; les exigences en termes de compliance suscitent un fort contrôle hiérarchique au détriment de la subsidiarité. Or la responsabilisation des collaborateurs est un véritable levier de performance. La culture des entreprises va donc devoir évoluer pour favoriser la responsabilisation, en activant plusieurs leviers : exemplarité managériale, confiance, courage, droit à l’erreur…

Pas de pérennité du secteur du luxe sans réinvention. De nouveaux acteurs vont émerger susceptibles de mettre en danger les marques bien établies. Deux paradoxes sont à concilier :

  • Allier deux perspectives de temps afin de tenir une performance à court terme (à 2 chiffres pour la majorité des acteurs depuis une décennie) et de se donner la capacité d’anticiper, en intégrant les signaux faibles, et d’impulser une dynamique à moyen terme
  • Allier tradition et modernité : si les marques de luxe sont pour la plupart des maisons fondées sur des traditions, des savoir-faire historiques, voire des mythes fondateurs qui ont vocation à se réinventer, quel est le rapport à la modernité ?

Nous proposons de la matière à réflexion pour les acteurs du luxe au sens large : mode, beauté, gastronomie, monde de l’objet, hôtellerie & services, afin d’anticiper au mieux les mutations à l’œuvre demain.

Télécharger idées forces parues :

Le 26 juin 2018, trois dirigeants nous ont inspirés en nous racontant le basculement opéré par leurs entreprises pour devenir des acteurs à part entière de l’économie digitale :

  • Albert Asseraf, Directeur Général Stratégie, Data et nouveaux usages chez JCDecaux,
  • Pierre-Olivier Brial, Directeur Général Délégué du Groupe Manutan International, et responsable de la commission digitale du METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire)
  • Guillaume Planet, Vice President Media & Digital Marketing Global du Groupe Seb.

Voici le compte rendu des échanges animés par David Abiker.

Hervé Baculard, Senior Partner chez Kea & Partners, a d’abord rappelé les trois caractéristiques majeures des disruptions actuelles.

Tout d’abord, la violence concurrentielle : chaque entreprise doit désormais faire face non seulement à « sa » concurrence habituelle mais à de nouveaux acteurs qui attaquent les marchés de façon horizontale. D’où une question centrale : quel terrain de jeu choisir pour ne pas se faire terrasser, cultiver sa singularité et développer des atouts robustes pour demain ?

Deuxième fait marquant : le déplacement de la valeur. Nombre de sociétés dites classiques l’expérimentent durement. À titre d’exemple, la distribution développe le drive en complément de ses magasins, avec des coûts supplémentaires mais le même volume de consommateurs. La création de valeur est donc relative, l’usage pour les clients domine tout et les comportements évoluent à grande vitesse. Il convient donc de savoir identifier de nouvelles sources de création et de migrer vers elles au bon rythme.

Enfin, le facteur humain : « À l’heure de l’intelligence artificielle, ce bon vieux facteur humain fait de la résistance, souligne ainsi Hervé Baculard. La mondialisation des années 1990/2000 aura finalement été un chemin assez facile : création de filiales dans toutes les géographies, développement des fonctions transverses, informatisation… Or, la digitalisation remet en question chaque métier et le code génétique de chaque activité. Elle prend finalement une dimension éminemment humaine. » Et de conclure : « C’est bien d’une transformation socio-digitale dont il s’agit. Digitale du fait de la technologie et sociale car chaque entreprise doit redéfinir son terrain de jeu au regard des mutations de la société, des comportements et des usages. »

Manutant international et le projet Dreda : « des racines et des ailes »

David Abiker a lancé la discussion par cette question à Pierre-Olivier Brial : « Comment avez-vous fait pour que des entrepôts dans le 95 se transforment en une université et un projet de logistique HQE au service de vos clients : « Manutan With Love » ? Comment Manutan n’est pas devenu Les 3 Suisses du BtoB ? »

En guise de réponse, Pierre-Olivier Brial a tout d’abord brandi l’imposant catalogue Manutan de quincaillerie et matériel de bureau, comme témoin lourd et persistant de ce passage de la vente à distance à l’âge digital, à l’heure des actifs immatériels.

« Nous avons été amenés à repenser notre business model radicalement et rapidement, explique Pierre-Olivier Brial. Mais, au-delà d’une transformation digitale, nous avons cherché à refondre notre contrat d’entreprise autour d’une raison d’être « Entreprendre pour un monde meilleur » et à modifier notre culture en hybridant la relation humaine et la technologie. La conception de notre projet de siège social baptisé DREDA – acronyme « des racines et des ailes » – illustre parfaitement cette ambition. Pour changer et survivre ensemble, nous avons apporté à nos collaborateurs les moyens de se développer à titre individuel et de prendre leur destin en main. Pour réinventer la relation client et apprendre les bonnes pratiques digitales à nos équipes, nous nous sommes dotés d’une université interne qui travaille sur le rapport que chacun entretient avec soi-même, avec les autres et avec ses clients.

Nous avons également travaillé sur les comportements en matière d’innovation. Nous sommes passés de la culture projet à la culture du Minimum Viable Product et du test and learn, inspirée de la Silicon Valley, en développant la capacité d’innovation de chacun. Les dispositifs d’écoute des collaborateurs et l’apport des démarches agiles sont bien plus efficaces pour basculer dans le digital que la création d’un ‘’Lab’’ déconnecté des métiers. Nous sommes désormais plus agiles, plus pragmatiques et… plus performants. »

JCDECAUX transforme son offre avec sa plateforme mondiale de planning et de trading publicitaire gonflée au machine learning

L’une des singularités du numéro 1 mondial des mobiliers et services urbains est d’être positionné sur un double marché. En amont, il s’agit de remporter les appels d’offres de longue durée (15-25 ans) lancés par les collectivités territoriales et les autorités de transport à travers le monde. En aval, il lui faut convaincre les annonceurs de financer des campagnes d’affichage dans une logique de court terme. Face à cette dualité temps court/temps long, le sujet de la digitalisation constitue l’un des enjeux majeurs de l’entreprise. « Loin d’être une source de déperdition de valeur, le digital vient enrichir notre métier, explique Albert Asseraf. Il permet de faire tomber les barrières de l’espace et du temps. La ville devient connectée et les messages intelligents. Les annonceurs peuvent ainsi diffuser un message différent d’un site à l’autre et selon les horaires, le tout nourri par exemple par leurs données de vente en temps réel. De quoi construire des campagnes programmatiques mais également calibrer cible et objet du message en temps réel. Preuve de cette montée en puissance : alors que seuls 6% de nos supports sont digitaux, ils représentent 18% de nos revenus. »

Autre sujet-clé : la data. « Nous disposons de plus de 1,2 million d’objets à travers le monde qui peuvent potentiellement produire des données, rappelle Albert Asseraf. Grâce à ces dernières, nous pouvons améliorer notre connaissance des villes, des annonceurs, la manière de proposer des publicités. À titre d’exemple, nos mobiliers peuvent être équipés de capteurs de pollution ou encore de mouvements de foule. »

Comme le digital dématérialise les transactions, JCDecaux a pris les devants, avant qu’un acteur de la nouvelle économie ne le fasse. JCDecaux vient donc de lancer ce 12 juin VIOOH, une plateforme programmatique mondiale de planning et de trading ouverte à toute l’industrie, en concurrence de la publicité digitale (mobile, recherche/search, écran…), transformant ainsi l’ensemble de son offre grâce à des campagnes optimisées par l’utilisation des données et de la technologie. Des algorithmes de Machine Learning améliorent le ciblage et l’efficacité des campagnes publicitaires. Une équipe de plus de 65 développeurs, codeurs, commerciaux et fonctions support basée à Londres pilote ce nouvel outil déployé en Europe mais aussi en Australie, à Dubaï, Hong Kong et Singapour.

Quand SEB invente la cocotte minute connectée

Groupe de dimension mondiale spécialisé dans la vente de produits grand public, Seb a su utiliser le digital pour renforcer ses capacités innovantes, mieux connaître son marché et nouer une relation intime avec les consommateurs. « Nous avions identifié nombre de signaux faibles qui nous ont permis de nous adapter, se rappelle Guillaume Planet. Nos acheteurs ont modifié leurs habitudes et se sont fortement digitalisés. Nous avons donc pris conscience qu’il fallait changer la chaîne de valeur au-delà de notre sens inné de l’innovation. Grâce à l’impulsion des managers, à l’implémentation d’un chantier de transformation digitale mais aussi à une démarche d’écoute et de proximité pour accompagner nos collaborateurs, nous avons progressivement basculé d’une culture produits à une culture clients. Le digital nous offre l’opportunité unique d’établir un lien direct avec nos clients. N’oublions pas en effet que le meilleur outil marketing demeure le bouche-à-oreille, aujourd’hui décuplé par les communautés sur Internet. L’objectif est également de placer la data au cœur de notre système marketing et de récolter l’information massive en provenance de la TV, du digital et de nos produits connectés. C’est à quoi nous voulons aboutir pour pouvoir développer une expérience personnalisée tout au long du parcours, que ce soit en amont ou en aval de l’achat

En conclusion, voici ce qui guide la réussite de ces trois entreprises, fleurons familiaux français :

« Notre leitmotiv est simple : personne ne doit faire mieux que nous ce que nous faisons ». Albert Asseraf

« La réussite de la digitalisation tient avant tout dans l’investissement humain, le challenge étant de trouver les bons profils ». Guillaume Planet

« Notre réussite a également été portée par un actionnariat familial éclairé et prompt à prendre les décisions pour l’avenir ». Pierre-Olivier Brial

Envie d’approfondir le sujet ?

Pourquoi les organisations responsabilisantes ont-elles besoin de plus de management que les autres ? Les lecteurs de HBR ont plébiscité la réponse à cette question !

Les idées et la pratique de l’autonomie dans les organisations gagnent du terrain en France depuis plusieurs années. Ce mouvement perdure et s’amplifie sous l’effet conjugué de l’évolution des attentes des collaborateurs et de la diffusion rapide de méthodes de travail innovantes. Qu’il s’agisse de rendre son entreprise plus attractive, de trouver de nouvelles clefs à l’engagement des salariés ou plus simplement de ne pas risquer de manquer un virage de l’innovation managériale, de plus en plus de dirigeants français, y compris dans de grandes entreprises comme Michelin ou Airbus, promeuvent de nouvelles organisations dont l’un des fils rouges est l’autonomie laissée aux collaborateurs.

Ces nouvelles idées rencontrent un certain écho en France où le poids de la hiérarchie s’avère plus important que chez nos voisins d’Europe du Nord (Suède, Finlande, Danemark, Irlande, Pays-Bas). Individualiste, pas assez bienveillant, archaïque… tels sont les clichés qui collent au management à la française [1], alors même que les attentes des salariés évoluent notamment sous l’effet de l’élévation général du niveau d’éducation.

Fustigeant les systèmes traditionnels de « command and control », certains sont même allés jusqu’à mettre en cause le rôle des cordées managériales et de certaines fonctions centrales dans l’entretien d’organisations déresponsabilisant les salariés. On a ainsi vu fleurir de nombreux nouveaux concepts autour de l’idée « d’organisation sans chef » ou « d’entreprise libérée ».

A l’inverse de ces courants idéologiques, nous pensons que les entreprises qui veulent pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs plus autonomes ont plus que jamais besoin de plus de management que les autres.

Le management est un fondement de l’autonomie au travail

Comme dans la vie en général, l’autonomie au travail ne se décrète pas, elle s’apprend et donc elle s’enseigne. Or les managers sont en première ligne pour enseigner cette prise d’autonomie, non pas pour scier la branche sur laquelle ils sont assis mais pour monter à leur tour en autonomie et élargir leur champ d’action. Cette montée en autonomie passe par plusieurs étapes allant de l’apprentissage du dialogue constructif jusqu’à la coopération et la capacité à mesurer et rendre compte de ses résultats. L’autonomie au travail ne peut s’épanouir durablement et efficacement que dans un cadre où s’exerce une forme d’autorité. Par exemple, en adoptant très largement une démarche de Lean Management, PSA a mis les collaborateurs en situation de prise d’initiatives en matière d’amélioration continue, tout en laissant aux managers le soin de réguler ces apports et contributions.

Ensuite, parce que l’autonomie n’est pas l’indépendance. Une organisation, même composée d’hommes et de femmes libres d’influer sur leur travail, n’a de sens que si elle comporte une forme d’unité d’action que l’on trouvera dans une culture commune, une vision partagée et un dessein auquel chacun a choisi de contribuer. L’autonomie au travail n’est donc pas la liberté d’agir à sa guise mais la liberté de contribuer à un projet collectif et les managers sont les premiers garants de la cohérence de ce projet. C’est ainsi, par exemple, que les expérimentations d’autonomie chez Michelin se font au service d’une raison d’être très clairement affichée (offrir à chacun une meilleure mobilité) et de valeurs vécues, au premier rang desquelles le respect de la personne humaine, le bien-être au travail, la confiance et l’ouverture des équipes sur le monde.

Enfin, parce qu’aucune entreprise n’évolue plus en vase clos : toutes sont soumises à des obligations réglementaires, des attentes de leurs actionnaires ou à la vigilance d’organisations indépendantes. L’autonomie de chacun des collaborateurs engage la responsabilité de toute l’entreprise : un dérapage local peut déstabiliser toute une organisation. Il apparaît donc impossible pour de grandes entreprises internationales de se passer de la fonction de contrôle qu’occupent une structure hiérarchique.

Pour réussir, ce type de management doit évoluer et être basé sur la confiance

Il n’en demeure pas moins que le rôle des managers va devoir évoluer en profondeur pour accompagner un mouvement d’autonomisation qui semble inéluctable.

Pour ceux qui étaient habitués à être sur le passage de chaque décision et de chaque information descendant de la direction, le fait de voir leurs équipes grandir en autonomie risque de devenir synonyme d’une perte de sens dans leur métier. Il devient alors nécessaire de déployer et de donner corps à une nouvelle conception du rôle de manager.

Là où un manager « traditionnel » est le principal acteur de la décision et de son exécution, le manager d’une équipe autonome s’en tient à un rôle de catalyseur de la décision en favorisant l’expression d’un consensus. Il œuvre en continu à la montée en autonomie de ses collaborateurs, sans interférer directement dans leur action à moins qu’il ne soit sollicité. Il donne de la méthode, pose des questions et suggère des solutions, met en avant les initiatives et les réussites, promeut les talents.

C’est un manager qui inspire ses collaborateurs et les pousse à l’initiative, en assumant la direction prise dès l’instant où elle rentre en résonance avec l’intérêt de l’équipe et de l’entreprise en général. S’il doit exercer son autorité directe, c’est sur le respect des règles du jeu de l’autonomie et en particulier sur ses contreparties de transparence et de responsabilité. Il doit organiser et susciter l’expression des micro-conflits au sein de l’équipe et se montrer intransigeant sur le respect des valeurs partagées. Il peut conserver un certain nombre de prérogatives qu’il juge impossible de partager comme le recrutement aux postes clefs ou la fixation des objectifs de résultats.

Enfin, le manager d’une organisation autonome joue un rôle clef dans la création de liens de coopération entre ses équipes et leur écosystème. Cela peut même aller jusqu’à représenter la plus grande partie de son temps. Il préfère systématiquement diriger un collaborateur vers un autre plutôt que de s’interposer dans le processus de coopération en apportant directement la réponse. C’est au titre de cette responsabilité de création de liens qu’il installe la confiance : à la fois confiance en soi et confiance dans les autres, deux prérequis à la coopération.

4 axes invariables pour autonomiser l’entreprise

Pour favoriser le déploiement d’une organisation responsabilisante, il est d’abord nécessaire que l’équipe de direction s’aligne et renforce son engagement en faveur de l’autonomie. Au cours de ce processus, le top management pourra prendre la mesure des risques d’une autonomisation et ceux qu’ils acceptent de prendre ensemble, de se rassurer sur la capacité de leurs collaborateurs à prendre leur autonomie (par exemple en rencontrant certaines équipes fonctionnant déjà de manière autonome dans leur entreprise) et enfin de planifier les réformes nécessaires pour rester maître du temps de la transformation.

Un programme de transformation d’autonomisation n’est pas une démarche linéaire. C’est un programme de transformation plus silencieux que sonore qui se bâtit progressivement et se structure toujours autour de quatre axes invariables :

  • Des expérimentations locales connectées entre elles : Il s’agit de confier sur une période déterminée à des équipes la responsabilité de leur performance et de leur donner les moyens nécessaires pour l’atteindre. La montée en autonomie est pilotée par le manager, encadrée par un socle de règles et accompagnée pour faciliter un apprentissage progressif. C’est ainsi que Michelin a entamé sa démarche d’autonomisation de ses salariés par la mise en place de 38 ilots autonomes pilotes dans 18 usines en Europe et Amérique du Nord.
  • La mise en place, grâce aux managers, des quatre conditions favorables à l’autonomie : transparence de l’information entre équipes, responsabilisation sur des résultats, confiance (en soi, dans les autres et dans les intentions de l’entreprise) et enfin coopération qui favorise l’action collective plutôt qu’individuelle.
  • Une transformation managériale qui consiste à former, coacher et accompagner les managers de proximité puis toute la ligne managériale dans la prise en main de leur nouveau rôle.
  • Des changements d’organisation nécessaires qui doivent venir comme une conséquence de la prise d’autonomie des équipes et non comme un prérequis : à mesure que s’étendra le réseau des expérimentations, vont s’exprimer des demandes de la part des équipes à destination du management. Celles-ci portent sur des propositions de réformes structurelles que les équipes jugent nécessaires pour continuer à gagner en autonomie, en performance et en capacité de coopération. Ce fut le cas par exemple chez un grand constructeur automobile qui réduisit de 25% la surface de ses usines grâce à une initiative de terrain. Dans une autre société industrielle, les équipes préconisèrent de réduire de 55% la charge de reporting.

L’autonomisation d’une entreprise n’est donc pas une « libération ». C’est une transformation longue et complexe qui ne peut suivre des méthodes toutes faites. L’engagement des dirigeants dans la durée et le soin qu’ils apportent à observer évoluer les comportements de leurs équipes seront toujours des facteurs clefs du succès d’une marche vers l’autonomie. En apportant constamment les encouragements, les correctifs voire les sanctions nécessaires, les dirigeants et les managers doivent être constamment aux commandes de ces transformations.

Tribune publiée sur hbrfrance.fr le 4 juillet 2018

[1] La Prouesse française : Le management du CAC 40 vu d’ailleurs (éditions Odile Jacob)

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