L’impact de la situation actuelle – inflation, baisse de la croissance, pression des donneurs d’ordre – va se chiffrer en centaines de milliards d’euros en 2022 pour les PME & ETI. Plus les entreprises sont petites, plus ces surcoûts vont les mettre en forte difficulté financière

Au-delà de la perte de rentabilité à court terme, la conjoncture est critique pour la pérennité des filières et des innovations. Les marges de manœuvre financières, en baisse, vont être mobilisées pour trouver des solutions à la situation actuelle, au détriment des investissements dans le développement des technologies – notamment pour la digitalisation des opérations et la réduction des impacts environnementaux – indispensables pour la pérennité et la compétitivité des filières.

La situation actuelle créée par ailleurs au sein des filières des mouvements de repli et de sauve-qui-peut. A moyen terme cela sera préjudiciable pour tout le monde. La solidarité et la recherche de solutions communes est la seule voie possible pour passer dans les meilleures conditions la période actuelle. N’attendons pas de compter les pertes pour nous mettre en ordre de marche et prendre chacun notre part de responsabilité :

  • Que les pouvoirs publics veillent au maintien des investissements dans l’outil de production et à la compétitivité de notre industrie
  • Que les donneurs d’ordre adaptent leurs exigences à la situation exceptionnelle actuelle
  • Que les entreprises à tous les niveaux des filières travaillent à leur performance coût.

En synthèse la situation actuelle, comme les crises précédentes, peut être l’occasion de développer de nouvelles facultés au sein des filières, et ainsi d’en renforcer la compétitivité.

La coopération n’exclut pas la performance individuelle : 8 leviers à activer pour augmenter la résilience des chaines d’approvisionnement et lutter contre l’inflation

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Un contexte propice à la scénarisation prospective

Les acteurs économiques évoluent dans des univers souvent incertains, toujours complexes et dans des référentiels de plus en plus dynamiques. A cet égard, nous évoluons actuellement dans un contexte de grands bouleversements :

  • Un premier bouleversement lié à la montée des inégalités dans les sociétés occidentales et les dérèglements du capitalisme, avec en ligne de mire le spectre d’une forme de déglobalisation et de décroissance
  • Un bouleversement lié au dérèglement climatique, avec des conséquences géopolitiques déjà à l’œuvre et un sentiment d’angoisse qui gagne nos sociétés
  • Un bouleversement anthropologique lié à la montée du numérique

La pandémie et le retour de la guerre en Europe achèvent de rendre particulièrement probants l’exercice prospective et l’anticipation de ruptures, tant les fondamentaux sur lesquels sont construits nos sociétés semblent en mouvement.

Dès lors, les entreprises expriment de plus en plus le besoin de pouvoir projeter leur activité à long voire très long terme, au-delà des classiques plans stratégiques à horizon 5 ans. Les objectifs sont de plusieurs ordres : encadrer la mise en œuvre de grands projets, sécuriser la pertinence à 20 ou 30 ans d’investissements lourds ; mais aussi appréhender les évolutions fondamentales de la société, anticiper les ruptures, et faire de son entreprise une partie prenante du changement.

7 scénarios de l’économie française en 2040

Par la méthode ‘Strategic Foresight’, Kéa et Ylios ont construit 7 scénarios de l’économie française à 2040 volontairement extrêmisés : Résilience, Défense, Sobriété, Relance industrielle, Relance servicielle, Sans Frontières, Capitalisme numérique.

Ces scénarios sont caractérisés par des degrés variés sur 2 axes majeurs : le niveau d’effort collectif en matière de lutte contre le changement climatique / l’érosion du vivant et le degré d’interventionnisme économique public.

Il ne s’agit pas d’un outil de prédiction du futur mais d’une démarche prospective et proactive consistant à envisager et qualifier un ensemble de futurs envisageables, en explorer les implications pour les acteurs économiques, les aider à mettre en place une stratégie visant à atteindre les futurs souhaitables, et renouveler les modalités selon lesquelles les fonctions de veille stratégique peuvent s’exercer.

Découvrir dans le détail les 7 scénarios :

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Mise en perspective du regard des Français et des dirigeants d’entreprise

Nous avons soumis ces scénarios aux regards croisés des Français (Sondage OpinionWay pour Kéa & Partners, échantillon de ~1 040 Français), et des dirigeants d’entreprise (une cinquantaine de dirigeants réunis le 17/05/2022).

Il en ressort un plébiscite partagé par tous des scénarios « Sobriété » et « Relance industrielle » comme scénarios les plus souhaitables à 2040. Au global, l’embellie économique + réponse écologique + confiance restaurée dans les institutions démocratiques façonnent le scénario idéal pour les Français. Pour un futur plus désirable, ils nous ont relevé deux ingrédients clés :

  • Un besoin de recentrement sur le « monde de près » (« solidarités locales », « le quotidien de mon village », …)
  • Mais aussi une gestion plus concertée des communs sous l’aiguillon de l’État (avec l’Union Européenne à ses côtés), et les entreprises attendues au même titre pour faire advenir le « souhaitable ».

Source : Sondage OpinionWay pour Kéa Partners (échantillon de +1000 Français), Sondage Kéa (échantillon d’ ~50 dirigeants)

Les regards sont également concordants sur leur probabilité de réalisation, avec la « Résilience » et la « Relance industrielle » qui ressortent comme scénarios les plus probables

Source : Sondage OpinionWay pour Kéa Partners (échantillon de +1000 Français), Sondage Kéa (échantillon d’ ~50 dirigeants)

Intervention d’Arnaud Gangloff, PDG de Kea, sur les Scénarios prospectifs pour l’économie française en 2040 aux Entretiens de Valpré le 18 novembre 2022 :

Avec le Web 3 – blockchains, NFT (Token Non Fongibles), cryptomonnaies et autres métaverses –, nous franchissons une nouvelle étape de la longue histoire de la « civilisation du capitalisme » (Schumpeter) et vivons un changement de paradigme. C’est une rupture aussi importante que celle provoquée par l’avènement et l’hégémonie des marketplaces mondiales depuis 20 ans. Un nouveau monde est en train de naître devant nous.

Dans une blockchain, pour valider l’ajout d’un bloc, tous les nœuds du réseau doivent « se mettre d’accord » pour aboutir à une nouvelle version. C’est une mutation technologique qui va transformer nos échanges. L’entreprise de demain sera modélisée dans ses processus par la blockchain, devenant participative, décentralisée, redistribuant la valeur créée en temps réel, mondialement et localement, sous forme de cryptomonnaie au profit de ses participants : actionnaires, salariés, clients, fournisseurs.

La question du consensus et de sa gouvernance (validité, représentativité, règles de droit) est donc au cœur du sujet.

Les décisions politiques d’intérêt général pourraient elles aussi être prises sur un modèle semblable de consensus décentralisé, redéfinissant ainsi les contours de l’État et de la participation démocratique. Mais, là encore : sur qui s’appuie le consensus ? Qui le valide ? Quelle est la règle de droit ? Qui redistribue la valeur créée et quelle est la place de l’État ? Quid de la protection des exclus du consensus ? Si l’on imagine que la démocratie représentative mute en un sondage d’opinion en temps réel sur les réseaux sociaux, le web 3 offre alors une opportunité sans précédent, à la condition qu’un débat démocratique et scientifique précède et informe les participants à ce type de décision par référendum.

Le Web 3 ou la « Civilisation du capitalisme » en question

La « civilisation du capitalisme »[1] ou l’interaction vertueuse de la démocratie et du marché.

Elle naît au Moyen-Âge avec les places de marché tournantes dans les plaines de Bourgogne-Champagne et les cités-états italiennes au 12ème siècle. Venise puis Gênes, premières thalassocraties et marketplaces off-shore de la globalisation de leur époque (« économies-monde » pour Fernand Braudel) ne possédaient pas de territoire mais des comptoirs de trading. Ces républiques ont aussi inventé en parallèle la démocratie : Gênes, Venise sont aussi des communautés politiques fédératives basées sur les corporations d’armateurs, de marchands ou de citoyens, même les confréries de courtisanes possédaient des actions à Venise !

Comme l’a montré Giacomo Todeschini[2], les Franciscains furent au 13ème siècle les premiers à s’interroger sur la circulation de l’argent, la formation des prix, le contrat et les règles du marché, ainsi que sur le partage de la valeur pour la société que créait ce nouveau monde. Eux-mêmes, ordre mendiant, se voulaient les serviteurs des pauvres apparus avec la naissance des villes.

Amazon, Google, Facebook, Booking, Uber, Meetic ou Youporn… et leurs modèles de Porter globaux digitalisés sont issus en droite ligne de l’ordre médiéval. Les marketplaces du Web 2.0, GAFAM et autres BATX ne sont que la suite logique des mutations du capitalisme. Elles ont accéléré les « économies mondes » qui des places de marché de Bourgogne-Champagne en passant par les républiques italiennes, l’Anvers de la Renaissance, puis le Londres de la révolution industrielle ont déployé à grande échelle la Civilisation du capitalisme globalisé. Leurs infrastructures technologiques en cloud ont permis de concentrer, standardiser, massifier et accélérer les échanges. Par capillarité, elles ont uberisé au niveau mondial leurs fournisseurs et bien sûr les usages et mentalités de leurs utilisateurs/clients. Du bal annuel du village à Tinder, il y a une différence de rapidité mais surtout une mutation déterminante du modèle relationnel, standardisé ; une transformation autant du lien web que du lien social (cf La Revue n°23 « La transformation socio-digitale de Kea).

Mais pour l’instant les GAFAM sont restés des marchands d’infrastructures, d’autoroutes, d’information et de données comportementales ultra-privées. En cela, ils concurrencent les États, mais ne sont pas devenus des États ou des banques représentant l’intérêt général.

La cohabitation des ordres financier et politique

Des lettres de change médiévales à la trade finance du 21ème siècle, le commerce a toujours eu besoin de crédit, d’assurance ou de garantie (pour 80 à 90 % des transactions aujourd’hui). Si le crédit se resserre comme pendant la crise du Covid, les containers restent à quai ; si les banques ne prêtent plus, l’immobilier s’effondre. Depuis les années 80, grâce à la technologie, la colossale masse financière nécessaire aux échanges s’est elle-aussi virtualisée.

Jusqu’au 19ème siècle, la plupart des grands négociants furent aussi des banquiers étroitement liés à l’État. Souvenons-nous de Jacob Fugger, l’industriel et commerçant le plus riche d’Europe au 16ème siècle, qui fut le banquier utile à Charles Quint pour asseoir son pouvoir. Mais l’ordre marchand et financier et l’ordre politique n’ont jamais fusionné.

Cependant, la passion du pouvoir et des guerres a toujours remodelé l’ordre marchand du monde et non l’inverse. La crise de 2008 a montré que les États représentants de l’intérêt général se portaient au secours des banques, « acteurs publics » majeurs et non l’inverse. Les GAFA, places de marché modernes, ne sont pas devenus des banques ni n’ont « frappé monnaie » comme les États. Libra, la cryptomonnaie de Meta, s’est heurtée à l’hostilité des régulateurs et des banques centrales.

Avec l’émergence du Web 3, de ses blockchains et cryptomonnaies, on assiste à un mélange des trois domaines : les processus d’échange, la finance et la prise de décision. C’est une rupture abyssale qui pourrait engendrer une mutation radicale les entreprises et du monde où nous vivons.

L’impact du web 3 sur les entreprises, le capitalisme mondial et toute la société est déjà à l’œuvre

Du Web 1, qui a déconcentré les centres de décision pour résister à un conflit armé mondial visant des infrastructures centralisées, nous sommes passés au Web 2.0, c’est-à-dire à une concentration autour des GAFA qui a transformé tous les rapports physiques (et mentaux) en moins de 20 ans… puis au Web 3 qui intègre les (crypto) monnaies et les décisions aux échanges, accélérant ceux-ci avec une puissance sans précédent.

Avec les cryptomonnaies, les mondes des échanges, de la finance et de la prise de décision fusionnent.

Bitcoin (40 % de part de marché vs. 70 % il y a un an) est en soi une blockchain qui est aussi une cryptomonnaie. Les blockchains de seconde génération comme Ethereum (20 % vs. 13 %) ou de troisième génération comme Cardano ou Solana vont un cran plus loin. Ce ne sera désormais plus celui qui a la plus grande puissance de calcul (Proof of Work) – consommatrice d’une énergie considérable – qui régit le consensus des « mineurs », mais celui qui utilise le plus activement son capital, en cryptomonnaies bien sûr[3] (Proof of Stake, preuve d’enjeu).

La blockchain est sortie du laboratoire.

80 des 100 plus grandes entreprises mondiales l’utilisent désormais : la blockchain sert déjà à certifier diamants, grands vins et montres ; Aura Blockchain Consortium est en passe de devenir un standard de certification du luxe ; la mise en blockchain des logistiques mondiales est en route ; des sociétés mondiales de minerais certifient les échantillons de roches et de fluides ; la BNP trace toute sa trésorerie par cette technologie ; les États-Unis ont renoncé à contrôler les cryptomonnaies pour les accompagner…

Sans oublier les métavers ! Grâce à la blockchain, aux tokens et à la réalité virtuelle immergée, d’autres mondes naissent où vit déjà le génération Z. Elle réalise le rêve psychédélique de la conférence prophétique de Philip K Dick en 1977 : « Si vous pensez que ce monde est mauvais, vous devriez en voir quelques autres »

Quel modèle d’entreprise pour demain ?

Imaginez que dans l’entreprise de demain tous les échanges, processus et transactions, décisions, soient validés par consensus distribué et profitent en cryptomonnaies à tous ses acteurs : clients, actionnaires, collaborateurs internes ou externes (fournisseurs). Les processus seraient modélisés en blockchain, validés de manière décentralisée par échange de tokens, avec la microfinance et la monnaie au cœur de chaque étape, fonctionnant avec des smart contracts pour exécuter automatiquement des contrats. Imaginez maintenant que cette puissance se démultiplie par interaction avec celle du Web 2.0 et des market places digitales…

Plus encore, imaginez que les prises de décision politique ou managériale de demain se fassent par vote-référendum en temps réel (potentiellement le pire des dictats si une décision n’est pas explicitée, discutée et acceptée par le plus grand nombre). Quelle serait la gouvernance (clients, actionnaires, collaborateurs) de cette entreprise ? Qui en assurerait la représentativité et au nom de quels critères ?

Imaginez que les monnaies émises pour cela échappent, comme c’est déjà le cas, aux États et aux banques centrales. Quelle serait alors la valeur de cette entreprise et des transactions sur ces nouveaux marchés potentiellement peu régulés ?

Le Web 3 dessine les contours d’un autre monde possible

L’avènement du Web 3 est inéluctable et il se superposera aux Web 1 et 2.0.

Un avènement souhaitable car la décentralisation du Web 3 s’oppose à la concentration de richesse de plus en plus forte dans le monde et les sociétés industriellement avancées où la classe moyenne, pilier de la consommation, se paupérise. Le Web 3 revient en mouvement de balancier à l’intuition initiale démocratique qui a fondé le web avant qu’il ne se concentre dans les giga-plateformes.

Le Web 3 semble bien une réponse possible aujourd’hui à la crise de confiance sociale que traverse le capitalisme. Il peut participer au partage responsable de la richesse, de mutualisation des usages et des biens en réponse à la raréfaction inéluctable des matières premières et de l’énergie. On serait dans un « New deal » digital : un monde démocratique avec une richesse plus partagée, plus lisible.

Si le capitalisme a trahi la démocratie en se détachant de l’intérêt général, de son côté, la démocratie représentative s’est effondrée. Son manque de représentativité pour de multiples raisons (repli sur l’individu, perte de vitesse des idéologies de masse, technicité des décisions…) conduit à l’apparition d’autocraties partout dans le monde. L’interaction vertueuse de la démocratie et du marché a failli. Toute décision collective pouvant désormais s’organiser en blockchain, le Web 3 peut aider aussi à résoudre la crise de la représentation de la démocratie moderne alors que les vieilles institutions ont de plus en plus de mal à incarner l’intérêt des peuples.

Cependant, la question de la gouvernance est cruciale… Qui valide la représentativité du consensus ? Les échanges en blockchain, les smart contracts sont ouverts, traçables, impiratables, indélébiles. Ils échappent aux États et potentiellement au droit. Donald Trump a fait une suite de référendum sur Twitter: # les mexicains dehors ! # On construit un mur ! # on le fait payer par les Mexicains ! Tout le monde comprendra bien que ce genre de méthode dont le Web 3 serait l’apogée aurait plus à voir avec l’ochlocratie (le pouvoir des passions du peuple) qu’avec une quelconque grande participation populaire démocratique.

Lors de la conférence inaugurale de l’association Metacircle, un think tank européen pour le Metaverse[4] dont Kea fait partie, de multiples questions ont été soulevées, parmi celles-ci :

  • Pierre-Olivier Sur, Ancien Bâtonnier de Paris, a évoqué la possibilité qu’un NFT ou un avatar puissent faire écran, comme une SARL, personnalité juridique, peut le faire. Il a évoqué aussi le droit à l’effacement ou l’oubli (une blockchain est inaltérable).
  • Axel Dauchez a posé la question de la participation à un vote et de l’adhésion de la totalité : « une gouvernance décentralisée qui représenterait 1 % des cas ne vaudrait rien ». Qui dit gouvernance dit aussi fausses gouvernances.
  • Gilles Mentré, ancien banquier de Lazard et moteur du Grenelle de l’environnement avec sa smart tech Electis, s’est interrogé sur la prise de décision et la représentativité politique générale d’organismes experts de plus en plus décentralisés.

Philippe Rodriguez aborde un certain nombre des questions posées par le Web 3 dans son livre : La révolution métavers – Le défi de la nouvelle frontière d’Internet (Dunod 2022).

Nous autres consultants, acteurs du conseil responsable pour les dirigeants, serons, à notre place, aux avant-postes de cette mutation majeure de l’entreprise et de toute la société.

Un « New deal » digital en quelque sorte.

[1] Ce terme est utilisé dans l’ultime livre de l’économiste Joseph Schumpeter : Capitalisme, socialisme et démocratie. L’inventeur de la « destruction créatrice » et des « cycles de Kondratiev » ne croit pas à la pérennité du capitalisme et de sa figure prophétique de l’entrepreneur. C’est peu connu mais il finit sa vie socialiste. [2] Giacomo Todeschini, Richesse franciscaine, De la pauvreté volontaire à la société de marché. Verdier 2008. [3] Avec la preuve d’enjeu des PoS, il n’y a plus de mining comme dans les PoW, il faut posséder des jetons et les immobiliser pour le staking. Les blockchains de crypto en PoS font toujours l’objet d’une levée de fonds (ICO ou Initial Coin Offering) afin d’effectuer une première répartition et donner une valeur à l’actif initial. [4] (https://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/metacircle-le-nouveau-think-tank-europeen-du-metavers-1776800)

Depuis l’exercice 2022, la taxonomie verte entre dans le champ des obligations des entreprises. Cette méthodologie de classification européenne permet de mesurer la part « verte » des activités d’une entreprise et de comparer la contribution de différents acteurs économiques à la transition écologique afin d’orienter les décisions d’investissement.

Intégrée au ‘Green Deal’ pour permettre à l’UE d’atteindre la neutralité carbone en 2050, la taxonomie et sa mise en place se heurtent à des difficultés et controverses. Entre incertitudes sur les contours des futurs reporting et des implications stratégiques associées, la faible motivation des acteurs pour déployer une réglementation pressentie comme déceptive dans sa première mouture (car le premier calcul de la part verte sera faible) ou encore le manque de précision et la lourdeur des textes, les espoirs suscités par cette « proto-comptabilité écologique » retombent d’un cran.

Elle s’inscrit pourtant de façon cohérente dans une trajectoire pour atteindre des objectifs environnementaux qu’il est difficile de remettre en cause.

Taxonomie verte, quels enjeux pour les entreprises ?

A très court terme, la taxonomie verte constitue une obligation de reporting pour les entreprises éligibles. A moyen terme, elle contraindra certainement à la formalisation d’une trajectoire environnementale claire.

L’arrivée de la taxonomie verte renvoie à la nécessité de s’organiser entre dirigeants et autres fonctions de l’entreprise, pour appréhender les évolutions suivantes :

  1. Transparence – Une transformation des reporting intégrant une part extra-financière plus significative
  2. Financement – Un accès à des financements qui sera progressivement conditionné aux engagements de durabilité
  3. Notoriété – La réduction des risques de « name and shame » en effectuant un reporting complet avec une méthode opposable
  4. Anticipation – Une opportunité pour devancer les futures réglementations / mécanismes d’incitation qui reposeront sur la taxonomie

Aujourd’hui, la taxonomie concerne les acteurs des marchés financiers et les entreprises de plus de 500 employés soumises à l’obligation de publication de la Déclaration de performance extra-financière (DPEF). La CSRD, directive européenne, élargira le périmètre d’éligibilité par les obligations de reporting ESG. A l’horizon de son application en 2025, la taxonomie concernera 50 000 entreprises européennes.

Un levier de transformation en profondeur des activités de l’entreprise

La taxonomie verte est une profonde évolution de l’appréciation de la performance des entreprises. Bien plus qu’une question de reporting et de transparence, elle constitue un levier intéressant pour faire décroître certaines activités « non vertes » par le biais du financement.

Elle apparaît comme une nomenclature favorisant l’essor de nouvelles réglementations à l’avenir. Par exemple, la catégorisation des activités « vertes » et « non vertes » pourrait permettre la mise en place d’une fiscalité discriminante entre ces deux activités.

Inéluctable, cette réglementation va pousser entreprises et dirigeants responsables à s’emparer de la taxonomie verte comme d’un levier de transformation en profondeur. En ce sens, nous identifions 4 postures classiques en fonction de l’ampleur de la transformation du modèle opérationnel et de la communication associée, à anticiper de manière fine selon les enjeux de chaque entreprise.

Une étude réalisée par Ylios et par l’équipe du programme Changemaker Companies d’Ashoka

L’intelligence artificielle (IA) chamboule le monde des entreprises. Pour en tirer parti et ne pas être une victime collatérale de Chat GPT, nous recommandons de mener une exploration stratégique, basée sur la compréhension de l’IA et des tendances sociétales et concurrentielles qu’elle provoque. Ensuite, imaginer ses impacts, positifs et négatifs, sur le modèle des entreprises, et apporter des premières réponses, afin d’anticiper et de profiter de l’opportunité qu’elle représente.

La démarche exploratoire est pluridisciplinaire – elle inclut également Chat GPT comme « expert » – et emploie les techniques de la prospective.

Son livrable doit permettre au dirigeant d’entreprise de savoir quoi faire, comment et quand, y compris dès aujourd’hui.

Posons le débat :

Nos convictions en tant que consultants :

Quelle que soit l’issue du débat, nous vivons une révolution technologique profonde, celle de la connaissance.

Le digital nous a permis de numériser notre monde, la Data de mieux comprendre aujourd’hui les mécanismes de systèmes complexes et de développer le capital Client. L’IA ouvre quant à elle un nouveau chapitre, celui du contenu, de la créativité et de la conversation. Nos ordinateurs conversent avec nous, interagissent, créent pour nous. Aujourd’hui, certaines IA sont utilisées pour valider un diagnostic médical ou expliquer des lignes de code écrites par un humain. Le champ est donc vaste et les applications nombreuses : si CHAT GPT est dans le top 3 de l’actualité, il ne faut pas oublier toutes les IA créées chaque jour pour des usages ciblés.

Ces différentes vagues vont, à nouveau, profondément transformer toutes les entreprises et, plus largement, nos sociétés. Les métiers du contenu, de la créativité, de la conversation et du chiffre sont amenés à se développer. Une certitude : nous allons travailler différemment, nous former différemment, prendre des décisions différemment, collaborer différemment. Peut être même que l’IA connaîtra mieux nos entreprises que nous-mêmes !

Il s’agit donc d’une rupture annoncée, qu’il convient d’appréhender et d’adapter, en termes d’usage et de jeu concurrentiel.

Le dirigeant doit, comme pour toute avancée technologique majeure, étudier les transformations sous-jacentes de l’IA, en mesurer les risques et, surtout, savoir en saisir les opportunités pour renforcer la position concurrentielle de son entreprise, voire bousculer la hiérarchie actuelle.

Mener une exploration stratégique NOW

Si l’IA suit la loi de Moore[3], et tout indique qu’elle pourrait le faire et qu’elle pourrait même la dépasser, il est urgent de se mettre en route dès maintenant. En particulier si le modèle d’affaires repose en partie sur la

« conversation » (plateaux téléphoniques, points de vente, services…).

Le dirigeant, avec ses équipes, doit engager une exploration stratégique pour imaginer ce qui doit, peut être fait à l’aide de l’IA, avec comme point d’application concret Chat GPT.

Les 4 thèmes de l’exploration : ChatGPT, les évolutions externes, les impacts pour l’entreprise et le plan d’action

1. Comprendre Chat GPT et consorts :

  • Ce que cela fait à date, avec un rapide zoom sur les technologies sous-jacentes
  • Ce que cela ne fait pas (encore), les perspectives d’évolution (vitesse, intensité)
  • Les limites actuelles : efficacité, responsabilité, propriété de l’information source, propriété du contenu produit ; et les perspectives d’évolution
  • Les acteurs technologiques et les écosystèmes associés
  • Les solutions alternatives à Chat GPT, les modèles business et les performances associées ; rôle de l’open source

2. L’exploration des évolutions externes :

  • Modification du jeu concurrentiel : nouveaux entrants, renforcement des acteurs en place
  • Evolution des tendances « client » et de nos sociétés :
    • Le co-pilote, nouvel assistant du quotidien
    • Un monde envahi de contenus préfabriqués, formatés, où la capacité à imposer un standard de marché devient à nouveau primordiale
    • Un nouvel équilibre dans la relation client, avec des cartes rebattues dans l’asymétrie des informations ; un phénomène similaire à la fin du savoir avec le digital ?
    • Les nouveaux mécanismes d’émergence de la créativité humaine : l’exemple de la relation Tik Tok / industrie musicale
  • Impacts de la réglementation européenne actuelle et future
  • Impacts sur la politique de Responsabilité de l’entreprise
  • Propriétés intellectuelles
  • Usages de la donnée fournie à l’IA
  • SWOT de l’entreprise dans ce nouvel environnement, avec les risques associés au statu quo

3. Ce que cela change pour les entreprises, son entreprise :

  • Les nouveaux métiers (Un C-AI-O demain au Comex par exemple ?) et les métiers actuels augmentés (centaure / co-pilote IA) ; avec macro-évaluation des impacts sur les différents métiers de l’entreprise
  • Une entité spécialisée dans l’IA, oui / non ?
  • Les modèles économiques et opérationnels pour accéder à ces technologies
  • Les impacts sur les Capex / Opex de l’entreprise
  • Les impacts sur la politique RH (recrutement et GEPP en particulier)
  • La politique de cybersécurité et d’utilisation des IA

4. Que faut-il en faire à court / moyen terme dans les entreprises :

  • Analyse d’impacts par activité Business et par composant de la / les chaînes de valeur de l’entreprise, avec une attention aux modèles et métiers de contenu, de créativité et de chiffre, mais également de l’IT
  • Prise en compte des courbes de diffusion des technologies dans nos sociétés et les entreprises[4]
Une méthode de travail basée sur l’intelligence collective

L’équipe cœur à réunir :

  • Une équipe pluridisciplinaire, incluant a minima des prospectivistes et des technophiles,
  • Une équipe ouverte à la remise en cause et à la prospective
  • Une équipe au fait des enjeux business de l’entreprise
  • Sans oublier Chat GPT

La démarche de travail :

  • 4 à 5 ateliers de trois heures, sur la base d’un ordre du jour préétabli, préparés à l’avance, avec un preread pour chacun, sur une durée de 8 semaines
  • L’utilisation de la prospective et des scénarios extrémisés pour se projeter dans les futurs possibles
  • Une plateforme de collaboration pour que les participants continuent à échanger entre les ateliers
  • Des échanges réguliers avec l’équipe de direction avec, en conclusion, un séminaire d’une journée sur le sujet réunissant l’équipe cœur et l’équipe de direction.

Pour clore les ateliers, une note de synthèse, à destination du Comité de Direction, qui :

  • Décrit les scénarios prospectifs sur la base des scénarios extrémisés
  • Identifie les pistes / sujets à approfondir, ceux qu’il convient de mettre « au frigo », et les quick wins, les preuves rapides,
  • Qualifie les risques à ne pas faire,
  • Evalue les investissements (compétences, jh, €) à consentir pour aller un cran plus loin,
  • Présente une carte de transformation à 3/ 5 ans, avec un volet culturel, en gardant à l’esprit que ce pivot fait partie de la transformation,
  • Décrit le dispositif de pilotage de cette transformation.

[1] https://www.linkedin.com/posts/williamhgates_the-age-of-ai-has-begun-activity-7043993848976482304-jE-z/?utm_source=share&utm_medium=member_ios

[2] https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/

[3] Enoncé en 1975 dans sa deuxième formulation, la loi de Gordon Moore stipule que la puissance de calcul des ordinateurs double tous les 18 mois. Cette loi empirique s’est révélée exacte sur la période 1975-2023. [4] Toujours Bill Gates : « On surestime toujours le changement à venir dans les deux ans, et on sous-estime le changement dans les dix prochaines années »

Kéa Digest – Que retenir ? 

Les associés de Kéa étaient présents à Aix ce week-end, dont Arnaud Gangloff en tant que speaker. La délégation a pu assister aux conférences et rencontrer les chefs d’entreprises, académiques, institutionnels et journalistes présents. Que retenir ?

 

Note d’Ambiance

  • Des rencontres d’Aix particulières, juste avant le deuxième tour des législatives, qui ont été écourtées et lors desquelles les politiques étaient absents, droit de réserve oblige.
  • Mais les dirigeants étaient bien là, l’ambiance était volontaire et consciente des enjeux. Dans ce contexte, ils ont pointé la responsabilité des entreprises : les dirigeants ont un rôle actif à jouer dans la société et ne doivent pas tout attendre de l’Etat.
  • Pragmatisme et action. L’année dernière, les discours, très engagés, s’inscrivaient dans de grandes théories. Cet engagement n’a pas faibli lors de cette édition mais les propos ont été plus pragmatiques, concentrés sur la nécessité d’agir et les méthodes pour le faire.

Idées marquantes

  • Pour réussir les grandes transitions, environnementale, sociétale, technologique, nous devons repenser notre approche sur la valeur dans trois dimensions :
    • Le partage de la valeur : un rééquilibrage de l’effort redistributif entre les revenus du travail et ceux du capital pourrait entraîner une baisse de la rétribution du capital investi. Autrement, la demande de redistribution forcée et confiscatoire conséquente pourrait être reprise par des partis populistes.
    • La création de valeurS (au pluriel) : la performance ne doit pas être vue uniquement au travers des lunettes de la valeur financière des entreprises mais doit pouvoir prendre en compte les valeurs humaine, environnementale… Exemple : Pascal Demurger (MAIF) analyse sa performance et prend ses décisions à l’aune du « quadriptyque » : Epanouissement des collaborateurs ; Satisfaction des clients ; Niveau d’impact sur l’environnement et la société ; Performance économique. Ceci est notamment vrai concernant la transition environnementale, qui ne créera pas nécessairement de performance financière, en remplaçant l’appareil productif actuel par son jumeau décarboné.
    • Le temps de la valeur : Philippe Wahl insiste sur la nécessité d’investir dans un « capital patient », qui porte sur le long terme et serait à opposer à un capitalisme passion (soit la focalisation sur le profit financier de court terme).
  • Pour passer du discours à l’action, le rôle de la gouvernance est essentiel.
    • Jean Tirole, Prix Nobel d’économie, l’a souligné lors de son échange avec Christine Lagarde.
    • Gabrielle Halpern, philosophe, propose de réenchanter l’entreprise par l’hybridation, c’est-à-dire, l’échange entre les mondes de l’entreprise, de la recherche, du territoire, et du politique pour s’enrichir mutuellement.
  • Résoudre le problème de la défiance, cause première du populisme et d’une certaine faillite de nos démocraties, qui ne trouve pas ses racines uniquement dans les conditions de vie puisqu’elle atteint même des pays où l’économie se porte bien, mais dans une distanciation vis-à-vis des élites et un relâchement du lien social en général. En France, où cette défiance est particulièrement forte, elle prend 3 formes : verticale (défiance vis-à vis des élites et des institutions) horizontale (vis-à-vis des « autres » en général) et temporelle (vis-à-vis du futur).
    • Jason Furman, ancien conseiller économique de Barack Obama, spécialiste de cette défiance, enjoint donc les élites à modifier leurs attitudes : « Ne changez pas d’avis, changez vos actions : (1) Ne mentez pas (2) Ne trompez pas (3) Convainquez en écoutant, pas en répétant (4) Ecrivez un récit en commun. Le monde est fait d’arbitrages, pensez ensemble. »

Homme et nature : quel modus vivendi ?

Voir ou revoir l’intervention d’Arnaud Gangloff, Président de Kéa, lors de la 24e édition des Rencontres Economiques d’Aix en Provence.

Arnaud Gangloff était présent aux côtés de :

  • Marie-Pierre de Bailliencourt, Directrice Générale, Institut Montaigne,
  • Jean Hornain, Directeur Général, Citeo, 
  • Hélène Huby, Co-fondatrice & Présidente Directrice Générale, The Exploration Company, 
  • Adil Najam, Président, WWF international.

Ces échanges ont été coordonnés par Katheline Schubert, Membre, Le Cercle des économistes et modérés par Emmanuel Cugny, Editorialiste, France Info.

Les menaces qui pèsent sur la biodiversité et les ressources naturelles, clés de voûte de notre écosystème, exigent de repenser l’équilibre fragile entre protection de l’environnement et besoins socio-économiques.

Chez Kéa, nous sommes convaincus que l’entreprise joue un rôle essentiel dans les rapports de l’Homme à la nature.

Une proposition d’architecture de prise de décision pour décideurs

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Décider autour d’une seule dimension, c’est relativement simple. A fortiori lorsque c’est avec de l’argent et que cela peut s’additionner, se soustraire et se diviser facilement.

 

Mais quand on vient à décider avec plusieurs dimensions au même niveau d’importance, par exemple des euros, du CO2 et du bien-être social, cela devient beaucoup plus compliqué. Surtout lorsque cela rassemble à la fois du quantitatif et du qualitatif et que l’on ne peut pas tout mettre dans un seul score.

 Bienvenue dans le casse-tête des entreprises du 21ème siècle : décider au carrefour des enjeux économiques, environnementaux et humains. Un casse-tête primordial, car de cela dépend notre bien-être sur le long terme.

 Passionnés de cette question depuis des années, nous avons combiné nos expériences pour proposer aujourd’hui cette architecture afin de faciliter vos prises de décision.

Qui sommes-nous ?

  • Yoram Bosc-Haddad : « J’aide les organisations à intégrer ces enjeux, souvent nouveaux pour elles, en faisant converger mon triple parcours : conseil en gouvernance et pilotage de la performance économique auprès de dirigeants de grandes entreprises ; conseil sur des sujets à impact (Énergie, Luxe, Numérique, Assurance, CSRD/Taxonomie) ; dirigeant bénévole dans le monde associatif (Les Glénans, Ashoka, Entrepreneurs du Monde, SNSM, ESIEA, Ticket for Change …).
  • Matthieu Dardaillon : « En tant qu’entrepreneur social à la tête de Ticket for Change, j’ai été confronté directement et quotidiennement à la question pendant 10 ans. Aujourd’hui, je crée du contenu avec Redessiner le monde pour rendre accessible les outils dont nous avons besoin pour réussir la transition écologique et sociale. Je considère que ce framework en fait partie. »

Cela fait des années que nous travaillons sur ce sujet, avec des angles complémentaires. A ce moment de nos parcours respectifs, nous avons eu envie de collaborer pour créer ce guide.

Pourquoi ce sujet ?

  • Il fait partie des sujets à “craquer” pour réussir la transition. Sans le “craquer”, pas d’avancées significatives possibles.
  • Nous sommes sensibles à ce sujet depuis longtemps et si nous avons trouvé quelques inspirations dans la littérature académique ou managériale sur le sujet, nous n’avons pas identifié de modèles simples applicables à différentes importances de décisions et d’entités.
  • Nous pensons qu’il faut aujourd’hui répondre aux enjeux avec un modèle simple. À une échelle plus modeste, faire ce que le Business Model Canvas a réussi en modernisant et en rendant accessible au plus grand nombre les outils pour structurer un business model dans la transition digitale.
  • Nous proposons donc une heuristique pour aider à la prise de décision. Au sens de Daniel Kahneman, Prix « Nobel » d’économie 2002, une heuristique est une procédure qui aide à trouver des réponses adéquates, bien que souvent imparfaites, à des questions difficiles.
  • Ce cadre de pensée est appuyé à la fois par des recherches théoriques et la pratique du terrain. Nous l’avons expérimenté ou observé dans différents contextes, et sommes curieux de vos réactions et applications.
  • L’heuristique (approche et structuration) proposée dans cet article est mise au pot commun de la communauté qui voudra s’en saisir, la faire vivre, l’améliorer et la partager.

De quelles décisions parlons-nous ?

Nous parlons ici de :

  • Décisions stratégiques et opérationnelles, par exemple :○     Quelle décision prenons-nous sur un sujet majeur ? (ex : Vendons-nous cette activité ou non ?)○     Priorisons-nous les projets 1, 2 et / ou 3 ?○  Choisissons-nous l’option A ou l’option B pour réaliser ce projet ou gérer le quotidien ? (ex : Former ou embaucher ? Acheter le produit A plus durable et plus cher ou le produit B, supprimer une fuite d’eau dans un réseau en consommant du carburant pour le déplacement…)
  • Dans des organisations qui se donnent une ambition de conjuguer performance économique et impact sociétal. Cela peut concerner des entreprises de toutes tailles, des fonds d’investissement, des entreprises sociales, des associations, des coopératives, des mutuelles…
  • À tout niveau dans ces organisations : du conseil d’administration aux opérationnels sur le terrain.

La manière classique de décider

Nous identifions 2 principaux écueils dans la manière classique de décider aujourd’hui :

Des prises de décisions principalement mono-dimensionnelles

Dans une quête de simplicité, les décisions sont prises avant tout sur critères économiques dans les entreprises.

En résumant à grands traits, on pourrait dire que l’approche la plus répandue est la suivante :

  • “quand ça va bien” (par exemple au-delà de 7% de rentabilité) on regarde comment faire de l’impact, bien souvent à côté du modèle économique ;
  • le jour où la conjoncture va moins bien ? Les projets à impact sont dépriorisés ;
  • la logique – qui ne se dit pas forcément – est la suivante : on fait de la croissance en volume et en profit, et on met une poche “for good” pour avoir de l’impact.

Maximiser la valeur économique et mettre les impacts et les externalités en secondaire est un écueil classique dans les entreprises. L’écueil inverse, maximiser l’impact et mettre le modèle économique à un niveau secondaire, est également un écueil classique, lui, dans les organisations dites à impact.

Les Balanced scorecards, OKR, cascades de KPIs articulent souvent différentes dimensions mais elles les subordonnent généralement à la finalité de création de valeur pour l’actionnaire, dans une logique d’arbre de causalité.

 Dans le domaine des investissements publics ou touchant à des communs, l’analyse socio-économique ou les valeurs tutélaires (monétarisation institutionnelle des externalités utilisée dans ces analyses) apportent un éclairage utile en permettant la synthèse d’un score monétaire, souvent en coûts évités. En revanche, elles nous semblent lourdes ou dangereuses pour décentraliser les décisions dans des organisations.

Des prises de décisions qui masquent trop souvent la place de l’intuition et de la conviction des dirigeants

Si l’affichage est que les décisions sont hyper-rationnelles et nient la place du jugement des décideurs, en particulier dans des contextes de forte volatilité et d’incertitude, la nature humaine se rattrape.

Exemple typique :

Un grand laboratoire pharmaceutique dépense plusieurs millions d’euros pour construire un modèle multicritères de priorisation de son pipeline de R&D Pharmacie, toujours avec une finalité économique. Mais un observateur neutre du COMEX indique que le poids politique conjoncturel des patrons du domaine thérapeutique et leur intuition pèsent au moins autant que l’analyse documentée des équipes stratégiques.

Pour une performance durable, il nous parait essentiel de mettre les différentes dimensions au même niveau et d’assumer la place des convictions et du jugement des décideurs. Mais comment prendre concrètement des décisions, dans ce cas-là ?

Le modèle que nous proposons

Nous proposons ce que nous appelons un modèle “aligné” pour une prise de décision multidimensionnelle.

Il s’appuie sur 3 piliers :

  • Économique : les ratios financiers classiques tels que taux de marge, retour sur capitaux employés, cash-flow, efficience des processus…
  • Impacts : à la fois l’augmentation de l’impact positif et la réduction des impacts négatifs, dans tous les domaines : environnemental, social, sociétal, gouvernance, éthique, partage de la valeur…
  • ADN : ce qui fait l’identité profonde de l’organisation, ses croyances, ses valeurs, sa raison d’être… La cohérence de la culture et les manières de faire.

L’ADN est le plus sensible à définir et le plus spécifique à chaque organisation, par exemple :

  • pour Kéa, le principe d’action dans les missions de conseil est de viser “des transformations vers la responsabilité mais aussi systématiquement en responsabilité” ;
  • pour Ticket for Change, la congruence avec la mission d’”activer des talents”, à la fois dans les programmes et en interne de l’organisation ;
  • pour Les Glénans, l’exclusion des activités qui ne pourraient être encadrées par des bénévoles.  

​L’ambition du processus de décision est de faire au mieux en associant toutes les dimensions qui font la performance long terme de l’organisation et en éliminant ce qui ne passe pas la barre des exigences de responsabilité ou de durabilité sur l’une des dimensions.

 Les premiers principes d’action identifiés pour réussir la mise en œuvre :

  • À chaque organisation son modèle : Les critères de décision doivent être adaptés à la mission, la stratégie et à la culture de l’organisation.
  • Tous les critères essentiels ou rien : Tous les critères choisis doivent être essentiels, c’est-à-dire qu’un manque sur l’un des critères doit conduire à éliminer l’option (et non à accepter une décision qui remplit pleinement 2 critères, mais pas le 3e), et non à accepter une option très performante sur 2 dimensions et qui ne passe pas
  • La simplicité dans la complexité : Ce qui compte c’est la qualité du collectif humain qui discute des options, pas la sophistication de la grille. Sur-sophistiquer ne sert à rien, sauf à créer une usine à gaz de plus. Laisser une place aux convictions et admettre que le degré de sophistication de l’analyse doit être proportionné à l’ampleur de la décision à prendre.
  • Consulter pour éviter les angles morts : Il est important de prendre des avis pour éviter les angles morts. Plus l’enjeu est important, plus il est important de prendre des avis.
  • Un modèle fractal : La grille se décline à tous les niveaux de l’organisation : à la fois au niveau global et au niveau des métiers, des équipes.

 

 Exemple d’application

Imaginons une entreprise qui lance un concours d’innovation en interne. 4 projets sont présentés, et l’entreprise ne peut investir que sur un projet. Sur lequel doit-elle miser ?

Explorons rapidement les 4 projets :

  • Le projet A est très rentable ; il passe tout juste le minimum légal, mais pas le seuil minimum choisi sur le critère d’impact et correspond au seuil minimum choisi sur le critère ADN.
  • Le projet B est très peu rentable et ne dépasse pas le seuil minimum retenu mais est très bon sur les deux autres dimensions.
  • Le projet C est assez équilibré, avec une bonne performance globale.
  • Le projet D est profitable avec un excellent impact mais pas optimal concernant le critère ADN.

Avec un modèle classique de prise de décision, une société commerciale à finalité uniquement lucrative choisirait le projet A sans trop se poser de questions. Une association pourrait choisir le projet B.

Avec ce modèle multidimensionnel, le choix va dépendre de l’arbitrage du collectif humain dans le contexte :

  • Au premier tour, le projet A est éliminé sur la dimension impact et le projet B sur la dimension économique.
  • Pour départager entre C et D :

○ si l’entreprise est en ligne avec ses trajectoires économique et d’impact, on peut imaginer une décision au consensus (tout le monde est d’accord), au consentement (personne n’est contre), au vote ou un système de scoring (s’il y a plus de deux projets) ;

○ si l’entreprise est en retard/risque sur l’économique ou qu’il y a des doutes sur la cohérence vis-à-vis de l’ADN du portefeuille, le processus peut surpondérer la dimension Économique ou ADN et favoriser le projet C. A contrario, si la tension est sur l’impact on surpondérera naturellement la dimension Impact.

  La mise en place

Une grille de décision

​L’enjeu est de créer une grille de décision :

  1. avec une arborescence de critères activés en fonction de la complexité et de l’ampleur du sujet en termes d’impacts ou de ressources mobilisées ;
  2. avec un seuil minimum à atteindre sur chacun des critères, seuil qui constitue un critère d’exclusion même si le projet ou la décision a un impact majeur sur l’une des autres dimensions.

Pour les usages les plus simples et les petites structures avec peu de décideurs, la grille peut s’utiliser avec un seul niveau, à condition de formuler un critère d’exclusion (ex. sur l’ADN pas d’objection étayée d’un co-fondateur, au sens des modèles de décision par consentement) et de définir une échelle ordinale de différenciation (ex. engager des actions < obtenir des résultats au niveau du marché / écosystème < lancer des innovations différenciantes < devenir référent sur un segment significatif).

Dans une version plus sophistiquée, la grille descend au moins trois niveaux :

  • l’économique se décline en ratios financiers (CA, EBIT, ROCE…) / marché (croissance du marché et part de ce marché…) / ressources critiques (humaines, partenaires…) ;
  • l’impact se décline d’une part sur la mission et ses OKR et d’autres part sur les dimensions ESG et leurs indicateurs ;
  • l’ADN se décline en cohérence avec l’histoire passée ou projetée/ les valeurs dans la manière de faire / l’apprentissage ;

avec à chaque fois, des seuils d’exclusion et des indicateurs quantitatifs ou des échelles ordinales pour différencier.

Illustrations

Voici quelques illustrations dans des environnements très différents. Elles illustrent à la fois des choix de structuration des critères multidimensionnels et de processus de décision :

Ticket for Change

Toutes les décisions chez Ticket for Change sont prises autour du triptyque “Impact – Money – People” :

  •    Impact : cela va-t-il augmenter l’impact de nos activités ?
  •    Money : cela va-t-il contribuer à renforcer notre modèle économique ?
  •    People : cela va-t-il contribuer à l’engagement et au développement des talents de l’équipe ?

Que ce soit sur la conception d’un nouveau programme, le choix d’un partenariat ou la refonte de la gouvernance de l’organisation, la réflexion et les décisions se font toujours autour de ces dimensions. Cela fait partie de l’ADN et de la culture d’organisation depuis sa création.

Nexans

Nexans, numéro deux mondial des câbles, a développé un modèle de performance – intitulé E3 – autour de 3 piliers : Économie, Environnement et Engagement. À un niveau plus fin, les 3 axes majeurs sont déclinés en 12 dimensions parmi lesquelles, l’économie circulaire, l’engagement des fournisseurs, la compétitivité. Le modèle est décliné à tous les niveaux de l’entreprise et est nourri de données pour alimenter la prise de décision et l’évaluation des managers. Christopher Guérin a vulgarisé le modèle dans son livre Pour aller dans le bon sens et lors de plusieurs interviews.

Veolia

Veolia a introduit le concept de « performance plurielle » dans sa raison d’être, affirmant que l’entreprise doit être utile à ses parties prenantes : ses clients, ses employés, ses actionnaires, l’environnement et la société dans son ensemble. Les axes sont déclinés finement en 18 indicateurs, dans la gouvernance du Conseil d’administration et du COMEX aux opérations ainsi que dans le pilotage qui mobilise sur chaque objectif un binôme sponsor Comex et un référent objectif Groupe (stratégie d’atteinte, feuille de route de mise en œuvre, reporting).

Bel

Cécile Béliot-Zind, CEO de BEL, a développé un modèle sur deux piliers responsabilité et rentabilité et explique dans une interview récente (Revue Kéa) comment tous les projets d’innovation sont évalués à la fois sur les ventes et le profit et aussi sur la nutrition, la réduction des émissions carbone, le packaging durable ou l’accessibilité du produit. Elle confie que lorsque les dimensions se confrontent, l’enjeu est d’avoir la bonne conversation et de trouver le meilleur compromis au “service de”. Par exemple, en intégrant à court terme du fioul dans le mix énergétique d’une usine tout en accélérant la bascule à la biomasse. Sur le plan organisationnel, les directions financières et RSE ont été rapprochées pour créer une direction de l’impact global.

Kéa

Kéa est société à mission depuis 2020, le premier cabinet de conseil en stratégie à avoir choisi ce statut avec comme raison d’être “entreprendre les transformations pour une économie souhaitable” alliant progrès économique et contribution aux communs. Les objectifs et les indicateurs associés sont pilotés explicitement et audités par un OTI. La mission imprègne une part croissante de l’activité. Le pilotage économique quant à lui suit le modèle classique dans une entreprise de services intellectuels avec la particularité d’un partnership ouvert où plus de 60 % des collaborateurs sont actionnaires. Dans le cadre de son projet 2030, Kéa fait émerger progressivement une vision de sa performance globale qui combinera performance économique et contribution aux communs via les objectifs de contribution sociétale de sa mission, ses objectifs de responsabilité et sa contribution à la durabilité du monde.

Processus

Quelques éléments sur le processus de prise de décision :

  • Nous recommandons de réunir le collectif de décision sur un temps limité à la hauteur de l’enjeu et de la réversibilité de la décision : 30 min peuvent suffire s’il s’agit juste de décider si les investigations doivent se poursuivre, 2 ou 3 x 1 heure sont plus appropriés s’il s’agit de prendre une décision quasi-irréversible et engageant une part importante de l’avenir de l’organisation.
  • Le collectif de décision doit être compact (classiquement entre 3 et 9 personnes). Si la taille de l’instance formelle est plus importante (typiquement un CA large ou une AG), c’est ce collectif réduit qui analyse le dossier fourni par l’équipe projet et propose une recommandation argumentée à l’instance formelle. Dans une bonne gouvernance partagée, différentes parties prenantes et points de vue sont présents ou consultés formellement dès que l’enjeu le nécessite.
  • L’instruction menée par les porteurs du projet et les regards croisés sont portés à la connaissance des décideurs, pour les cas les plus complexes ou à risque de biais – on peut aller jusqu’à avoir une équipe B de contre-instruction.
  • Il est important de s’accorder a priori sur le protocole de prise de décision, a minima pour l’étape finale : par exemple, consensus “tout le monde est d’accord” (avec un protocole de sortie en cas de blocage), consentement “personne n’a d’objection fondée et non remédiable”.
  • Dans une logique d’apprentissage, il est essentiel, même dans une petite structure, d’avoir une documentation à la hauteur de l’enjeu de la décision, pour assurer sa traçabilité et nourrir le besoin de retour d’expérience.
  • L’application des critères éliminatoires se fait en général en amont d’une décision pour action, mais peut faire l’objet d’une séance collective :

○ pour trier un grand nombre de suggestions ;

○pour rapporter les projets / approches éliminées afin d’éviter de donner un droit de veto aux équipes d’instruction.

  • Pour combiner les critères de différenciation sur un nombre importants de projets, il y a schématiquement trois grandes approches :
    • calculer la moyenne pondérée entre les scores d’un projet sur chaque dimension ;
    • faire un produit des scores, ce qui étale les notes et favorise les projets équilibrés ;
    • construire à l’avance un protocole de conjugaison des scores ordinaux qui conduit par exemple à dire qu’un score synthétique ne peut jamais être meilleur que la plus mauvaise note ou au contraire qu’on donne un bonus à un projet qui a des domaines d’excellence.
  • Dans tous les cas, chaque membre du collectif décideur doit être prêt à défendre ses notations devant ses pairs, voire à les documenter / argumenter. Dans une logique d’allocation de ressources devant un portefeuille de projets à prioriser, il est pratique de donner à chacun un nombre limité de points à répartir.

Par où démarrer ?

  1. Trouver une équipe volontaire qui a des enjeux (et qui n’est pas en stress majeur sur l’une des dimensions).
  2. Créer une grille ; pour les approfondissements au-delà du niveau 1 ou 2, il peut être plus pratique de le faire sur des cas concrets.
  3. Tester la grille plusieurs fois dans différentes situations sans la changer structurellement mais en précisant si besoin les critères et les échelles lorsqu’on découvre des ambiguïtés : décision de poursuivre un projet en focalisant les investigations à mener, sélections entre plusieurs projets ou plusieurs approches pour un même projet ; éventuellement en variant les protocoles de discussion/décision.
  4. Avoir un observateur du “comment” sont prises les décisions et du “comment” les discussions se déroulent en respectant ou non le processus établi.
  5. Prise de recul, adaptation puis déploiement.

Quelles dimensions choisir ?

Pour démarrer, si un autre schéma ne s’impose pas naturellement, nous recommandons les 3 grands axes Économique/Impact/ADN qui sont déclinés ensuite en sous-dimensions et indicateurs pour affiner l’analyse sur les cas présentant les plus forts enjeux et qui justifient d’investir dans l’instruction.

S’il y a des bonnes raisons d’avoir plus ou moins d’axes, nous recommandons de rester entre 2 et 5 :

  • avec 2 axes, on articule généralement l’économique et une synthèse de l’impact et des valeurs / ADN au risque de diluer ces dernières (cela peut être le risque des ONG / associations qui épuisent leurs équipes) ;
  • au-dessus de 5, les décisions, même sur des petits enjeux, vont être compliquées à prendre et le modèle ne sera pas utilisé dans la durée / à toutes les échelles de l’organisation.

Conclusion

L’ambition est culturelle : changer la manière dont nous décidons en acceptant :

  • d’une part, la difficulté inhérente à la combinaison d’impacts non fongibles ;
  • d’autre part, l’urgence de prendre des décisions qui redirigent les business models et l’économie au meilleur rythme possible sans attendre d’atteindre des modèles parfaits.

Comme dans tout changement culturel, il faut accepter de travailler sur les comportements, les symboles / rituels et les structures, plutôt que de chercher à attaquer frontalement les croyances sous-jacentes qu’il est utile de comprendre mais souvent vain voire contre-productif de chercher à changer directement.

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Dans un monde où les entreprises doivent faire preuve d’agilité pour croître et s’adapter aux mutations du marché, la complexité organisationnelle est une menace invisible. Souvent mal identifiée, elle est un frein à la performance et à l’engagement des collaborateurs. Elle s’installe progressivement au cours de la vie de l’entreprise, alourdit la prise de décision, multiplie les strates de validation et dilue la responsabilité. Maîtriser cette complexité n’est pas un luxe, c’est une nécessité stratégique pour mettre l’entreprise sur une trajectoire de performance durable.

Simplifier l’organisation ne signifie pas la rendre simpliste, ni sacrifier la rigueur ou le contrôle. Il s’agit de créer un cadre clair, efficace et fluide, dans lequel chacun comprend son rôle et où les décisions sont prises au bon niveau. Loin de s’improviser, cette démarche exige une prise de conscience, une action structurée et un engagement des dirigeants pour en faire un levier durable de performance.

 

La dette organisationnelle : un frein invisible mais puissant

Toute organisation accumule naturellement une dette organisationnelle au fil de sa vie, amplifiée par les évènements majeurs : période d’hypercroissance, changement de cap stratégique, acquisition externe, recrutement et attrition…

Ce concept, inspiré de la dette technique en informatique, désigne l’ensemble des rigidités et inefficiences qui s’accumulent au fil du temps et finissent par entraver la performance et peser sur l’engagement. La dette organisationnelle résulte de nombreux facteurs que nous constatons chez nos clients, parmi lesquels nous pouvons citer :

  • l’empilement des processus : chaque nouvelle exigence réglementaire, chaque transformation ou crise, chaque nouvelle opportunité de business ou chaque nouvel arrivant apporte son lot de règles et de validations, rarement remises en question une fois mises en place ;
  • l’engorgement des ressources : dans un contexte où tout le monde est surchargé, le premier rendez-vous disponible se trouve souvent à quatre semaines. En attendant, on s’engage dans de nouveaux projets, devenant ainsi un goulot d’étranglement pour les projets des autres. La situation s’aggrave rapidement : on se retrouve à piloter dix projets qui stagnent car on ne peut consacrer à chacun qu’une demi-journée par semaine ;
  • les décisions réactives : certaines mesures, prises pour résoudre un problème ponctuel, deviennent des standards obsolètes ou lourds à entretenir ;
  • la méfiance et la surcharge de contrôle : un manque de confiance envers les équipes conduit à une inflation du reporting et des niveaux de validation inutiles.

 

Cette dette organisationnelle finit par ralentir la prise de décision, accroître la charge physique et mentale des collaborateurs, limiter leur capacité de réactivité et d’innovation. Et elle ne se résorbe pas naturellement : seule une action consciente et volontariste des dirigeants peut l’enrayer.

Agir sur tous les leviers de simplification

La simplification ne consiste pas seulement à supprimer des processus ou à réduire le nombre de comités. Pour être efficace et durable, elle doit mobiliser un large éventail de leviers activables individuellement ou en synergie :

Levier N° 1-Clarifier les structures et les responsabilités

  • Réduire les zones grises : un organigramme flou et une multiplication des responsabilités partagées génèrent lenteurs et conflits de priorités. Clarifier les rôles permet d’accélérer la prise de décision.
  • Alléger la gouvernance : simplifier les circuits de validation et rationaliser les reportings libèrent du temps et de l’énergie pour l’action.
  • Fluidifier les interactions entre entités : éviter les allers-retours inutiles en repensant les interfaces entre services et fonctions et en créant les conditions de la collaboration (comprendre les enjeux respectifs, investir dans la relation à chaque niveau, …).

 

Levier N°2-Transformer les comportements et la culture managériale

  • Changer la perception de la complexité : trop souvent, complexité rime avec contrôle. Inverser cette logique en faisant confiance au sein d’un cadre précis permet de limiter les couches de validation et la charge de reporting.
  • Encourager la simplicité comme réflexe collectif : limiter le recours aux jargons, favoriser des décisions rapides et bien informées, valoriser les supports synthétiques.
  • Autoriser à dire « stop » : stop aux réunions inutiles, stop aux reportings dont on ne comprend pas le sens, stop aux injonctions paradoxales. Dénoncer ces dérives permet au management d’en prendre conscience.
  • Libérer l’initiative : une organisation trop rigide enferme les collaborateurs dans des silos et survalorise l’avis hiérarchique. Créer les conditions de la collaboration transverse et de la prise d’initiative favorise la réactivité et la pertinence de l’action.

 

Levier N°3 – Exploiter la technologie et les outils numériques

  • Automatiser les tâches chronophages : une digitalisation pertinente peut libérer du temps sur des activités à faible valeur ajoutée.
  • Centraliser et partager l’information : une donnée accessible et bien structurée diminue les pertes de temps liées aux recherches d’informations et aux multiples versions de documents.

L’efficacité de la simplification repose sur une approche globale et cohérente. Réduire les processus sans modifier les comportements ou sans exploiter la technologie ne suffit pas. C’est l’alignement de ces leviers qui permet une transformation durable.

Choisir la bonne démarche de simplification

Selon les enjeux de performance, d’agilité ou de sérénité, plusieurs approches peuvent être envisagées :

  • la refonte ciblée et rapide menée par une équipe dédiée. Cette approche est idéale pour traiter une complexité identifiée dans un temps court.
  • le grand ménage de printemps qui consiste à mobiliser les managers sur une période courte pour créer un choc positif et obtenir des résultats visibles rapidement. Cette approche a fait ses preuves auprès d’organisations qui accumulent des irritants diffus.
  • la culture de la simplification : l’approche la plus créatrice de valeur durable. Quand chaque manager intègre la simplification dans ses pratiques, elle devient un réflexe naturel et ralentit l’accumulation ultérieure de dette organisationnelle.

 

L’erreur serait de vouloir tout simplifier d’un coup. La démarche doit être progressive : souvent une refonte ponctuelle ou un grand ménage initial permet d’amorcer la dynamique de simplification, avant d’instaurer cette culture dans la durée.

 

La simplicité : un avantage stratégique et un actif immatériel valorisable

La complexité organisationnelle est un mal insidieux qui s’installe sans que personne ne l’ait réellement décidé. Pourtant, elle n’est pas une fatalité. En prenant conscience de la dette organisationnelle, en activant les bons leviers et en choisissant une démarche adaptée, il est possible de rendre l’organisation plus agile, plus performante et plus engageante.

 

Pour aller plus loin, la simplification peut dépasser le simple projet ponctuel et devenir une discipline continue, intégrée dans le fonctionnement même de l’entreprise. Lorsqu’elle est bien menée, elle devient un avantage concurrentiel majeur : moins de rigidité, plus d’innovation, des collaborateurs plus engagés et une entreprise plus réactive face aux défis du marché.

Entre des clients de plus en plus exigeants, des attentes qui évoluent à grande vitesse et des impératifs RSE, les entreprises doivent sans cesse s’adapter, tandis que leurs DSI font face à des enjeux complémentaires majeurs : adoption de nouvelles technologies (IA, IA Gen, Cloud, …), besoins croissants en cybersécurité, cycles de renouvellement, évolution accélérée des compétences…Dans ce contexte, les budgets IT poursuivent leur hausse régulière depuis plusieurs années et de nombreux dirigeants peinent à identifier la valeur réelle apportée par leur IT. Le dialogue IT / Métier se retrouve alors souvent pénalisé par un sentiment de sous-optimisation et un questionnement systématique sur les coûts. Ces interrogations sont autant de symptômes de l’écart qui s’est creusé entre les équipes IT et métiers, qui se traduisent par une implication insuffisante du Métier sur les sujets IT et in fine, par un apport stratégique de l’IT plus faible ou remis en question.

 

Comment se doter d’une IT stratégique créatrice de valeur ?

 

Nous proposons de dépasser l’approche purement budgétaire en :

  • réorientant le dialogue des métiers avec l’IT vers l’apport de valeur,
  • tout en conservant une maîtrise rigoureuse des coûts.
1-Comment réorienter vers la valeur le dialogue entre les métiers et l’IT ?

La démarche se construit autour de 3 axes :

Axe 1. Prioriser et faire des choix en explicitant et en mesurant la valeur finale :

Nous appelons valeur finale la contribution d’un projet IT à la réalisation d’un objectif métier. Le choix de ces objectifs doit être fait au niveau de la Direction Générale en tant que composante majeure de la stratégie de l’entreprise, avec des arbitrages forts et des renoncements explicites.

Il convient de s’assurer ensuite de s’assurer ensuite que chaque projet IT s’aligne systématiquement sur un objectif métier stratégique. Y associer des indicateurs mesurables et suivis régulièrement garantit une contribution tangible et visible de l’IT à la stratégie de l’entreprise. La méthodologie des OKRs peut permettre de réaliser et pérenniser cet alignement.

Axe 2. Co-responsabiliser à un niveau opérationnel

en mettant en place des binômes IT/Métier sur des périmètre limités (< 10M€ de budget annuel) avec des responsabilités claires : un interlocuteur métier garant de la valeur produite, un interlocuteur IT responsable des solutions technologiques, de leur mise-en-œuvre et de leur stabilité. Le dialogue entre ces deux acteurs à un niveau opérationnel permet de partager les contraintes et d’élaborer conjointement les meilleures options et les arbitrages possibles.

Axe 3. Distinguer et équilibrer rentabilité court-terme et vision long-terme

La valeur finale peut être de deux natures qu’il convient d’identifier et de traiter différemment :

  • la valeur à court terme, matérialisable par un ROI immédiat et des gains métiers concrets. Les projets et investissements associés doivent être lancés sur la base d’une étude de rentabilité portée par le métier, et celle-ci doit être reflétée dans l’exercice budgétaire ;
  • les investissements stratégiques à long terme dans des leviers de la transformation qui favorisent la résilience et permettent les repositionnements stratégiques. Leur financement doit être envisagé et validé sur une échelle temporelle plus large (pluriannuelle) pour éviter les effets néfastes de stop-and-go ou les réorientations tactiques. Par exemple, pour aboutir à des cas d’usage permettant à la fois une valeur ajoutée et un réel passage à l’échelle en production, l’exploitation des données de l’entreprise passe par la mise en place d’une plateforme data / IA pensée pour durer et alimentée en données. Concevoir et sanctuariser ce projet souvent significatif comme un investissement de conviction, sur le long-terme, permet d’éviter des approches tactiques et des proof-of-concepts abandonnés faute d’avoir démontré la valeur promise.
2-Conserver une maîtrise rigoureuse des coûts

3 leviers doivent être actionnés pour s’assurer d’une bonne maîtrise des coûts IT :

1er levier. Isoler et piloter de manière différenciée les coûts incompressibles

En effet, une part significative des coûts IT est liée à des facteurs exogènes difficilement maîtrisables à court terme pour la plupart des organisations (ex : coûts des licences logicielles, infrastructures cloud…). Il est essentiel de les identifier et de les piloter de manière spécifique pour concentrer les discussions sur les leviers d’actions accessibles.

 Les DSIs ont notamment fait face ces dernières à des augmentations significatives de certaines licences logicielles, notamment de la part d’acteurs majeurs, dominants sur leur marché. Si aucune solution à court-terme ne peut réellement être mise en œuvre, l’impact est parfois notable à l’échelle de la DSI et masque les optimisations qui peuvent être réalisées par ailleurs. L’unique solution est alors l’étude puis la mise en place d’outils alternatifs qui peuvent prendre plusieurs années à faire effet.

 

2è levier. Systématiser la démarche d’optimisation à tous les niveaux

L’optimisation continue doit être ancrée dans la culture IT en définissant des objectifs de gains et en assurant leur prise en compte à tous les niveaux. La tendance est souvent de concentrer les efforts sur les solutions avec un impact significatif sur l’échelle de la DSI (ex : offshoring / nearshoring, leviers sur les fournisseurs…), et de les déployer dans toute l’organisation. Cependant, la majorité des gains accessibles à moindre impact se situe à l’échelle opérationnelle, avec des leviers différenciés. Il est donc clé d’imposer la logique d’optimisation y compris à ce niveau.

L’évitement des coûts, notamment en renonçant aux projets à plus faible valeur ajoutée, est alors un levier majeur et facile à activer, d’autant plus qu’il a un impact à la fois sur les investissements et sur les charges de maintenance associées.

 

3è levier. Éviter les écueils coûteux à long terme

Parmi eux, l’un mérite d’être particulièrement souligné : le non-traitement de l’obsolescence technologique.

Dans un contexte de pression sur les coûts, décaler ou abandonner le traitement de l’obsolescence est une solution facilement accessible car son impact est a priori faible et parfois même invisible pour le métier. Si elle peut s’avérer payante à court-terme, elle est à double-tranchant à long-terme, avec un effet ciseaux. D’une part, elle se révèle rapidement coûteuse : coûts de support additionnels facturés par les fournisseurs, sécurisation ou fiabilité plus faible, innovation plus coûteuse, … D’autre part, le coût de traitement de cette obsolescence augmente car la marche à franchir est de plus en plus élevée, et les ressources sachantes de plus en plus difficiles à trouver. Au final, ce sont parfois 1 à 2 années complètes d’investissements qui doivent être allouées pour résorber la dette non traitée.

 Rester vigilant sur cette composante est clé pour assurer que l’optimisation des coûts est opérée dans un contexte soutenable.

 

Conclusion

A l’heure de l’accélération de l’utilisation des IA dans l’entreprise, de l’évolution rapide des technologies et de la hausse du risque cyber, la gestion efficace d’un budget IT ne peut se résumer à une simple réduction des coûts. Il s’agit avant tout de maximiser la valeur apportée à l’entreprise en alignant les investissements technologiques sur les objectifs stratégiques. En adoptant une approche holistique, en instaurant un dialogue constructif avec les métiers et en s’appuyant sur des leviers d’optimisation durables, les dirigeants peuvent faire de l’IT un véritable moteur de performance et d’innovation.

Les CEO des grandes entreprises et des ETI en ont bien conscience : ignorer l’IA, c’est s’exposer au risque d’une décroissance face à des concurrents qui s’emparent déjà de son potentiel. Et clic clac Kodak, l’histoire nous l’a appris : laisser filer le momentum, c’est prendre le risque de disparaître. 

Derrière leurs allures de progrès technologique, le développement éclair des solutions d’IA et leur popularisation sont l’étincelle d’un changement de paradigme profond qui agite tous nos modèles économiques, sans limite de secteur. Désintermédiation, réduction des barrières à l’entrée, optimisation des chaînes de valeur… les impacts sont multiples, les réactions s’enchaînent.  Et les questions sont nombreuses et légitimes :  coûts, retour sur investissement, fiabilité, cadre juridique… Autant de points d’attention qui peuvent freiner ou paralyser, faute de cap clair.

Cette zone grise entre lucidité stratégique et dispersion opérationnelle favorise la multiplication d’initiatives sans vision d’ensemble et sans réelle perspective d’industrialisation ni d’impact mesurable.

Face à cette dynamique, les entreprises s’interrogent : comment concilier impératif d’action et incertitude persistante ?

Cet article propose une grille de lecture pour dépasser ce flottement et mettre en œuvre une approche cohérente :

  • comprendre pourquoi tant de stratégies IA échouent à passer à l’échelle,
  • puis, prendre le temps de structurer les bons choix en amont pour gagner en clarté, en impact et en vitesse d’exécution.

Car dans un contexte aussi mouvant, c’est souvent le cadrage initial qui fait la différence entre expérimentation sans lendemain et trajectoire de transformation durable.

Pourquoi une stratégie IA est souvent mal cadrée ?  

Nous observons 4 principaux écueils :  

  1. L’attrait irrationnel pour l’IA qui conduit à des investissements mal orientésDans un contexte où l’IA est perçue comme une avancée « à la mode », de nombreuses entreprises lancent des initiatives coûteuses mais peu structurées. Ces dépenses deviennent rapidement des gouffres budgétaires faute d’une approche stratégique claire.  
  2. L’illusion du « quick win » et la multiplication des POCs sans ROI mesurableSi les preuves de concept (POCs) sont souvent présentées comme des moyens rapides de tester l’IA, elles conduisent fréquemment à une simple exploration. Le risque est grand d’accumuler des cas d’usage opportunistes, répondant à des besoins ponctuels sans s’inscrire dans une transformation globale. Résultat : des projets qui ne passent jamais à l’échelle et dont l’impact sur le P&L reste marginal.  
  3. Une approche techno-centrée au détriment de la vision business et data  Trop souvent, l’IA est abordée sous l’angle technologique avant même d’être alignée avec la vision de l’entreprise et sa déclinaison dans la transformation data. Or, sans vision stratégique et socle data robuste, les algorithmes ne peuvent pas produire de résultats fiables et industrialisables.  
  4. Une sous-estimation du potentiel disruptif de l’IAAu-delà d’un simple levier d’optimisation, l’IA redessine profondément les modèles économiques. Elle reconfigure les filières industrielles et servicielles, transforme les interactions entre humains et agents, renforce la cyber-résilience et la fiabilité des informations, tout en favorisant la plateformisation des marchés.  

Le remède ? Prendre le temps de structurer sa stratégie IA de manière globale, ancrée dans ses priorités business, intégrant l’ensemble de son organisation, et qui s’accompagne d’indicateurs mesurant les impacts sur votre P&L. 

Comment se doter d’une stratégie IA globale et alignée sur les objectifs business de l’entreprise ?

Trois étapes clés, menées en quelques mois, permettent de passer de l’exploration à l’industrialisation — en transformant les intentions en leviers concrets de création de valeur durable.

1ère étape : Acculturer et ouvrir aux potentiels de l’IA  

Nous l’avons évoqué, l’IA va bien au-delà d’un ensemble de solutions techniques : elle transforme les modes de production, la relation client et même le modèle économique des entreprises. La stratégie doit donc commencer par un travail d’acculturation et de projection

  • Cartographie de la maturité IA : évaluation du niveau d’avancement de l’entreprise dans sa capacité à intégrer l’IA de manière stratégique, opérationnelle et scalable.
  • Exploration des niveaux de maturité : du simple levier d’efficacité opérationnelle à la refonte complète du business model grâce à l’IA.  
  • Immersion dans les innovations à venir : anticipation des évolutions technologiques et de leur impact sur l’entreprise.  

2ème étape : Analyser l’entreprise et construire des scénarios stratégiques  

L’IA doit être pensée à l’échelle de l’organisation dans son ensemble. Un diagnostic approfondi des réalisations et des opportunités doit être structuré autour de trois streams :  

  • Les chaînes de valeur ajoutée (relation client, supply chain, production) pour identifier les opportunités d’optimisation et de réinvention.  
  • Les fonctions supports (RH, finance, juridique) afin de détecter les leviers d’efficience et d’automatisation.  
  • L’innovation et les business de demain, en évaluant le potentiel de disruption et les nouvelles sources de revenus possibles.  

En parallèle, il faut s’attaquer à la modélisation des impacts économiques de l’IA car « ce qui ne se mesure pas n’existe pas » … :  

  • ROI estimé, coûts cachés, gains d’efficience, pour donner une vision claire des bénéfices attendus.  
  • Construction de scénarios d’intégration de l’IA, en fonction du degré de transformation souhaité, du niveau de disruption acceptable et des effets prévus sur le P&L.  

3ème étape :  Activer : structurer un plan d’action et enclencher le passage à l’échelle  

À l’issue du diagnostic, la feuille de route opérationnelle et actionnable doit être construite et intégrée :  

  • Une trajectoire IA alignée avec les priorités stratégiques et la transformation data.  
  • Des feuilles de route par stream permettant une mise en œuvre progressive et cohérente.  
  • Un plan de transformation global, garantissant une intégration harmonieuse des initiatives IA dans l’organisation.  
  • La réalisation immédiate de 1 ou 2 cas d’usage concrets, pour démontrer rapidement la valeur et embarquer les équipes.  

L’ensemble de la démarche aboutit à une feuille de route claire, actionnable et pilotable, avec des impacts mesurables sur le P&L. 

Conclusion

L’IA n’est plus une option mais un impératif stratégique qui exige une approche construite et intégrée. Au-delà des expérimentations isolées, c’est par une vision globale – ancrée dans les priorités business et soutenue par un socle data robuste – que les entreprises transformeront cette technologie en avantage concurrentiel durable. L’heure n’est plus à l’hésitation mais à la prise de recul pour structurer leur approche : ceux qui sauront articuler acculturation, analyse stratégique et déploiement méthodique créeront une valeur mesurable et pérenne. Dans cette révolution, les leaders seront ceux qui transforment aujourd’hui l’IA en catalyseur d’une nouvelle et profonde dynamique de leur organisation et business model, plutôt qu’en simple vitrine d’innovation.

Dans un contexte d’accélération des crises économiques, sociales et sociétales et de tendance au recul sur les politiques RSE, la tentation est grande de reléguer la RSE au second plan alors que le besoin de transformation responsable n’a jamais été aussi pressant. Très mauvais calcul pour notre survie en tant qu’espèce, mais aussi pour l’intérêt propre de l’entreprise. Même à court terme et études scientifiques à l’appui, la RSE est aujourd’hui l’un des rares leviers capables de réinsuffler du sens et de la cohérence collective, de revitaliser l’engagement des équipes, de redonner de l’élan à l’organisation et de renforcer sa résilience. Et ainsi, de contribuer efficacement à répondre au désengagement qui touche près de 20 % des salariés et à attirer et retenir les jeunes talents dans un contexte de vieillissement de la population.

Comment passer d’une RSE « périphérique » à une RSE génératrice de fierté collective et de performance durable ?

 Nous vous proposons :

  • des exemples d’organisation qui ont réaffirmé leur « Pourquoi » et dans lesquelles la RSE est devenue un élément différenciant positif,
  • des pistes d’actions concrètes pour enclencher cette dynamique dès maintenant.
Réaffirmer un « Pourquoi » mobilisateur

Raviver le “pourquoi” de l’entreprise devient vital. Il ne s’agit pas d’ajouter des objectifs RSE au business, mais de réinterroger la contribution même de notre travail, pour éviter la spirale du cynisme et des « bullshit jobs ». Car au fond, une conviction simple s’impose : dans un contexte d’incertitude permanente, les collaborateurs ne cherchent plus seulement à “faire leur part” ou à ajouter un petit vernis RSE qui s’écaille vite, ils ont besoin de retrouver le sens de leur engagement professionnel.

La littérature scientifique suggère qu’une culture organisationnelle valorisant la RSE peut influencer positivement les intentions des candidats externes (Rupp et al., 2013 ; Scott, 2000 ; Strobel et al., 2010 ; VanProoijen et Ellemers, 2015).  Par ailleurs, les résultats d’études ont démontré que la RSE peut influencer positivement le niveau d’engagement organisationnel des salariés (Closon et Leys, 2011 ; Nejati et Ghasemi, 2013, rapporté par Cairn.info).

Des entreprises l’ont compris et ont placé la RSE au cœur de leur développement :

  • Decathlon pense chaque produit en intégrant l’impact environnemental dès la conception, générant 420 M€ de chiffre d’affaires via la réparation et la seconde main. Des équipes internes peuvent se former pour proposer et mettre en place des procédés plus vertueux écologiquement, avec budget accordé. Des plans de biodiversité sont imposés à chaque emplacement commercial et administratif et la question de leur place sociétale est régulièrement abordée.
  • Saint-Gobain anime des « Clubs RSE » locaux pour co-construire des solutions d’éco-innovation terrain. Ils cherchent à s’entourer et acquérir des acteurs de l’économie circulaire pour mettre ces pratiques au cœur de leur business model.

Ces initiatives ne sont pas des « à-côtés » mais la conséquence d’un changement de paradigme interne, toujours en cours d’évolution et de renforcement. Quand elle n’est plus perçue comme une contrainte administrative, mais comme une source d’énergie et une évidence de bon sens, la RSE devient un élément différenciant positif. À condition de la relier profondément au quotidien des équipes et d’en faire une priorité. Comment en arriver là ?

Quelles actions concrètes pour enclencher cette dynamique ?

Renouer avec une RSE transformatrice demande des choix courageux : transparence, reconnaissance de l’imperfection, et structuration d’une culture “extra-financière”. Voici trois leviers éprouvés pour ancrer durablement cette dynamique.

  1. Faire preuve de transparence radicaleAucune organisation n’est parfaite. Prétendre le contraire alimente la défiance. Oser reconnaître ses contradictions crée au contraire de la confiance.Exemples :
    • Loom, marque textile, qui explique ouvertement les compromis faits sur ses matières premières, refuse et dénonce les « dark patterns », est obligée de mettre en place des listes d’attente produits pour répondre à la demande, sans publicité, sans augmenter sa production.
    • Certaines PME artisanales assument ne pas vouloir croître à tout prix pour préserver leur qualité et leur impact humain. Comme certaines boulangeries de centre-ville, non attirées par le “scalable”, et pouvant verser des salaires confortables.
    • Un acteur du tourisme a réussi à aborder avec transparence le problème de l’impact du transport aérien lors de la formation des collaborateurs, ce qui a créé du réengagement auprès de ses parties prenantes.

La clé : expliciter honnêtement ses arbitrages, ses progrès, ses échecs — sans greenwashing, ni angélisme. Et surtout présenter sa feuille de route pour s’améliorer, ou avouer qu’on n’a pas de solution satisfaisante à date. Des compromis oui, mais sans compromissions.

Créer une culture d’entreprise “extra-financière”

 La rentabilité économique est indispensable à la bonne santé de l’entreprise. Mais elle n’est plus la seule constante vitale.

Concrètement, il s’agit de :

  • évaluer l’impact social, humain et environnemental lors des bilans annuels ;
  • inclure dans les rituels internes (séminaires, événements) des indicateurs extra-financiers ;
  • valoriser la contribution au capital naturel et social autant qu’aux résultats financiers.

Cela demande un leadership aligné, formé aux enjeux RSE, et capable d’incarner cette nouvelle ambition sans greenwashing. Par exemple, Tony’s Chocolonely, entreprise néerlandaise de chocolat, illustre cette démarche : elle a instauré une structure de gouvernance innovante avec trois « gardiens de mission » indépendants, experts en impact social et durabilité, chargés d’intégrer l’extra-financier au même niveau que le financier. Ces “gardiens” ont pour rôle de garantir que la mission de lutte contre le travail des enfants et le travail illégal reste prioritaire. Ils sont habilités à répondre aux préoccupations des parties prenantes (employés, cultivateurs, partenaires, consommateurs) en dialoguant avec la direction, en publiant des informations ou en lançant des actions juridiques. Ils permettent de rééquilibrer le pouvoir face aux intérêts financiers des actionnaires, notamment en donnant une voix aux écosystèmes et communautés locales concernées par les activités de l’entreprise.

Installer des temps de respiration réguliers

Dans le flux opérationnel, le risque est grand de repousser la réflexion RSE aux calendes grecques. Il faut institutionnaliser des respirations collectives :

  • formations internes sur les limites planétaires et l’approche systémique ;
  • fresques sur mesure des enjeux sociaux et environnementaux de l’entreprise ;
  • évènements liés à des temps forts. C’est le cas de la Semaine Européenne du développement Durable (SEDD). Un évènement très suivi par les entreprises et les institutions en Europe, qui a lieu fin septembre -début octobre et qui valorise les actions émanant d’entreprises, de collectivités ou de citoyens.   

Un client a par exemple institutionnalisé les conférences liées à la RSE à chaque SEDD, les faisant suivre d’une journée d’ateliers pour faire le point sur le bilan environnemental de l’année écoulée et le plan d’action souhaité pour l’année à venir, avec des aller-retours entre sujets opérationnels et stratégiques, interne et externe, experts et salariés. Ces moments permettent de reprendre de la hauteur et de réaligner action et intention en mettant en lumière les initiatives menées au sein de l’entreprise d’une part, et de réengager les parties prenantes d’autre part. Sans cette institutionnalisation, ils risqueraient d’être repoussés.

Conclusion : la transformation durable commence par redonner du souffle au collectif

À l’heure où l’engagement ne peut plus être une option, la RSE n’est pas seulement une réponse aux attentes sociétales. Elle est un formidable levier d’alignement, de performance durable et de régénération.

Mais encore faut-il l’assumer pleinement :

  • en se reconnectant au sens profond du travail ;
  • en acceptant l’imperfection et en osant la transparence ;
  • en structurant une culture et des temps forts alignés avec les défis de notre époque.

C’est par ces dynamiques, humbles et sincères, combinant radicalité dans l’engagement et pragmatisme, que se forgent aujourd’hui les entreprises durables et désirables de demain.

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